En voilà un joli mot qui pourrait admirablement bien résumer ce film si beau. La délicatesse est une qualité malheureusement trop rare, tellement précieuse qu'on ne peut jamais réellement l'effleurer sans en faire tomber des rivières de pétales. La délicatesse d'un amour qu'on ne pensait naître, dont on ne parvient pas à se défaire, qu'on ne pourra oublier quand bien même on irait en enfouir le secret dans le creux des ruines du passé, c'est cette délicatesse que nous propose de contempler d'un œil humide Wong Kar-Wai.


Tout amour naît inévitablement d'une rencontre, le plus souvent fortuite. Deux couples, les Chow et les Chan emménagent le même jour au même étage dans un Hong-Kong des années 60. Sans forcer les événements, le film en vient à rapprocher la divine Mme Chan et M Chow au sein d'une souffrance commune, si peu palpable qu'elle les poussent dans l'abandon et la solitude, ne pouvant qu'évoquer sans cesse leurs vies par l'intermédiaire de leurs conjoints. L'amour ne se développe pas toujours sous le feu ardent d'une insatiable passion, il lui arrive d'éclore doucement sous des montagnes de désirs insatisfaits, de non-dits, de tentatives qu'on craint voir s'étouffer.


La force d'In the Mood For Love se joue principalement entre les mots par un jeu de caméra révélant des visages, des regards, des émotions aussi fugaces que pures, par de petites touches d'une réalité qui n'est guère grandiloquente. Dans ce quatuor de voisins il y a ceux que l'on voit, cette femme en Qipao élégant, cet homme au regard ferme et avisé, et il y a ceux qu'on ne voit jamais, ce couple absent des yeux, omniprésent dans les pensées, dans les paroles. Le couple absent n’apparaît que de dos par une voix et une image impersonnelle, ils incarnent avant tout un cadre puissant, un modèle qu'on se refuse à imiter.


Le thème des amants maudits n'est pas une originalité en soi, beaucoup ont tenté de le sublimer, peu ont réussi. L’œuvre présente exprime parfaitement cet amour impossible qu'il faut un jour abandonner, le cœur lourd d'un regret infini à s'imaginer que peut-être, peut-être, peut-être... Peut-être y aurait-t-il pu y avoir en cet amour ce que nous recherchons tous ; le bien-être absolu. Hélas, un amour fragile aux pétales délicats ne saurait s'admirer et se toucher éternellement.

Fosca
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le 13 juil. 2016

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