Un poncho imperméable et une chaise roulante rentrent dans un bar...

Ce film est loin d’être parfait, essentiellement de par son rythme qui peut sembler à certains moments lymphatiques (ce qui a pour effet de diminuer le climax des révélations mais qui réussit sans utilisation de licence à donner une image différente au film de type ‘super-héros’.



You know what the scariest thing is ? To not know your place in this world.



Ici le super-héros est lent, fragile psychologiquement, inconscient de son plein potentiel ni même d’avoir un potentiel tout court. Il se questionne en permanence et n’a aucune idée de la direction qu’il doit prendre. Rien n’est en apparence héroïque chez cet homme incapable de relever le défi de son propre mariage. Et pourtant une rencontre avec un homme qui est tout son contraire va changer la done. Et petit à petit la désacralisation du mythe surhumain prend place. C’est pour cela que ce n’est pas un film pour enfants, ni même dans le sens classique du terme, un film de super-héros. Ici nous n’assistons à aucune cascade incroyable à un rythme effréné. Non, loin de là. Juste une opposition entre ce que l’on peut faire et ce que l’on croit pouvoir faire… Entre ce que l'on perçoit, et ce qui est... Entre ce en quoi on croit, et ce que l'on sait possible...


Le super-héros est lent parce qu’il n’est pas complet. Sa vie de couple est au plus mal, on n’explorera jamais profondément le pourquoi, mais celui-ci est plutôt évident. Il parle de la tristesse avec laquelle David Dunn (Bruce Willis) se réveille chaque matin. Tristesse dû à un état d’inaccomplissement. Car ses dons ne sont pas utilisés. Cet état de tristesse est en fait ce qu’on appelle couramment une dépression. Une dépression est un tourbillon qui avale tout ce qu’il y a autour. Et quand un homme n’arrive plus à trouver de joie, c’est son entourage direct qui est le premier à encaisser le coup. Mais dès qu’il va utiliser ses dons et accomplir un pas dans la voie de l’héroïsme, sa tristesse va s’évanouir. L’homme est alors devenu héros et son corps est en osmose avec son esprit. Magique !


Deux hommes vides. L’un semblant être le négatif de l’autre. Deux hommes devant créer un sens à ce qu’ils sont. L’un fuyant son destin, l’autre le créant. Et la réalisation sombre et pesante du réalisateur rehaussée d’un code de couleurs se plongeant dans l’univers du comic book souligne encore ces différences. Le héros revit son passé en noir et blanc ainsi que les flashes qu’il perçoit. Seul le vice se teinte d’une couleur facilement identifiable dans ses visions. Son opposé revit sa vie continuellement en couleurs et se dote d’un mauve facilement remarquable par la dualité que cette couleur peut prendre, continuellement à la limite entre le bien et le mal, n’hésitant pas à franchir cette frontière d’un bon pas. En reprenant ces codes propres aux comics, Shyamalan leur offre une ôde sobre et pleine d’amour dont le final n’était peut-être pas nécessaire d'être montré à l'écran tant il était évident...


Les performances d’acting ne sont pas époustouflantes malgré un Samuel L. Jackson campant son personnage à la perfection. Bruce Willis est plus apathique comme le veut son rôle mais du coup, il est difficile pour lui d’être mis en valeur. Les images mises en scène n’ont rien d’incroyables malgré cette scène dans les escaliers qui fait frémir le spectateur impuissant face au choc. Mais c’est justement cette absence de moments à couper le souffle qui désenchante le super-humain pour qu’il se rapproche au plus près de toi, de moi, de l’homme dans sa définition commune à tous… Et pourtant le héros devenant silhouette de par son accoutrement et son antagoniste rappelant toute sa fragilité aux yeux du monde en un regard est une belle brochette qui n’a rien à envier à un Professor X / Magneto. Le personnage atteint d’une dégénérescence osseuse est l’esprit fort là où l’homme indestructible est à l’arrêt. Le tout avec une simplicité déconcertante qui ne ferait pas de mal à plus d’un des blockbusters super-héroïques du moment…



I think this is where we shake hands.



Bref, un film de super-héros qui ne ressemble à aucun autre du genre. En se jouant des codes, on assiste à la fêlure du mythe super-héroïque tellement chère aux yeux du public américain. Mais cette fêlure est un hommage, et ce brillamment exprimé. Certains pourront s’ennuyer devant ce spectacle alors d’autres y verront quelque chose de plus profond. Un des meilleurs films de super-héros ne mettant pas en scène à proprement dit des super-héros.

MathiasBaum
7
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le 22 janv. 2019

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