Incendies par Kroakkroqgar
En soi, le scénario de ‘Incendies’ est excellent, et sa révélation finale est une explosion émotionnelle. Malheureusement, la narration du récit démantèle la bombe bien vite.
En fait, il est intéressant de faire la comparaison entre ‘Incendies’ et le plus récent ‘Prisoners’. Ce dernier se présente comme un thriller aux indices nombreux et mystérieux, jusqu’à un twist final pas forcément attendu, mais largement décevant. ‘Incendies’ en est, quant à lui, l’exact opposé. On comprend très vite quel drame qui a touché la famille Marwan grâce à quelques indications trop explicites. Par la suite, on ne fait plus que subir une enquête dont on sait déjà tout, même si la conclusion parviendra tout de même à nous arracher un frisson (quand Jeanne comprend).
L’erreur du réalisateur vient avant tout de son montage alternée entre la vie de Nawal, et les recherches de ses enfants. Plutôt que de répondre aux questions de l’enquête, les passages de la mère donnent les réponses aux questions que les jumeaux vont se poser plus tard. L’enquête perd alors tout intérêt, et le film, déjà alourdi par un rythme traînard, peine à conserver notre attention.
Quant au twist final, il se devine lamentablement une heure avant la conclusion. Dès que l’on apprend que le frère des jumeaux est né avant eux, le doute s’installe, alors que le film ne fait que commencer. Il suffit ensuite de mettre en parallèle la scène d’ouverture avec le viol de Nawal pour faire le lien. Et si le doute était encore permis, un plan sur les chaussures du bourreau ôte toute ambigüité à la situation : le clin d’œil aurait néanmoins été intelligent si le mystère n’avait pas été aussi évident.
Le plus regrettable est finalement que le film ne s’attarde que très peu sur les conséquences de ce drame. En particulier, on aurait apprécié que la lecture des lettres prenne plus d’envergure, dans la mesure où la conclusion concilie horreur et amour, mais que cette partie semble expédiée.
La mise en scène est de qualité, et quelques plans sont magnifiques (les nombreux travellings en avant ou en arrière, le bus en vue aérienne, l’incendie), mais cette méticulosité dans la réalisation a tendance à freiner le récit. On pourra se consoler avec l’utilisation jamais lassante du morceau « You and Whose Army » de Radiohead dans la bande originale, et du très bon jeu des acteurs.
Sans le même génie dans l’intrigue, le film ‘Insensibles’ suivra la même construction de récit sur de nombreux points, mais en parvenant au moins à tenir son ambiance mystérieuse tout le long du récit.
‘Incendies’ aurait du être un drame incroyable, mais il est noyé par son montage.