Séance de rattrapage pour ce film sorti en début d'année et resté relativement confidentiel (200.000 entrées), y compris sur votre blog préféré. Il faut dire que ses tares présupposées ne m'avaient pas incité à aller le voir en salles : un pitch de feuilleton télé de l'été à base d'histoire familiale tortueuse et un passif de films québécois précédés d'un bouche à oreille flatteur mais que j'avais trouvé quelque peu surestimés (C.R.A.Z.Y. ou Le déclin de l'empire américain).

Mais voyons de plus près si cette nomination à l'Oscar du Meilleur film étranger et les critiques élogieuses trouvées à longueur de web sont justifiées (il faut bien l'avouer, c'est ce qui a retenu mon attention). Les doutes sont balayés dès la première scène qui montre un inquiétant travelling sur un enfant qu'on semble préparer à la guerre, sur fond du sublime morceau de Radiohead, You and whose army ? : on est bien devant du vrai cinéma ici, et du bon.

Avec en toile de fond les tensions au Moyen-Orient (le Liban est fortement suspecté mais jamais nommé explicitement) qui ajoute une couche politique (à défaut d'être réellement engagée) à un scénario qui ne manquait pas de profondeur, le film suit le périple d'une fille (bientôt rejointe par son frère jumeau) en quête de son passé familial, que le testament de sa mère a rendu pour le moins intrigant. Si cette dernière (présente en grande partie dans le film sous forme de flashbacks) est interprétée par Lubna Azabal qui démontre une fois de plus son talent à jouer les femmes de caractère et de conviction, sa fille est une vraie découverte et une vraie révélation, mélange de fragilité et de détermination. Si elle perd son accent québécois et les expressions qui vont avec (dire « je m'en câlisse » avec l'accent de Courtemanche quand on s'énerve fait inévitablement retomber la tension d'une scène, du moins de ce côté de l'Atlantique) et qu'elle change de nom (Mélissa Désormeaux-Poulin, ça tient pas sur une affiche !), elle ira loin.

La mise en scène, qui abandonne le côté clipesque de la première scène, donne un vrai souffle à cette tragédie, qui brasse beaucoup de thèmes (moins vous en saurez sur les rebondissements, mieux ce sera) et on saura gré à Denis Villeneuve de ne pas avoir édulcoré son propos : l'histoire est dure, noire, le dénouement nauséeux mais c'est ce qui en fait une œuvre puissante, impression renforcée par le découpage en chapitres dont les titres apparaissent en rouge et en énorme (à la Gaspar Noé). Si vous ne voulez pas passer à côté des films qui sont dans les tops de fin d'année de tous les magazines, voici une belle occasion. Et vive le Québec !
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le 6 août 2011

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