Inception: la grande "Deception"!

Comme souvent lorsqu'il s'agit de regarder un film pour la première fois, on doit s'efforcer autant que possible de faire abstraction des critiques, tant des éloges que des diatribes, de sorte à avoir l'esprit le plus vierge possible et ainsi éviter les avatars de lecture. Malgré tout, en allant voir un nouveau Nolan, même en prenant les précautions qui s'imposent, il est difficile voire impossible de ne pas avoir le prisme déformant du cinéphile qui a savouré "Memento" ou "Insomnia", qui a vibré et redécouvert avec jubilation le personnage de Batman ou qui a eu une vraie jouissance ainsi qu'un plaisir naïf et infantile à être mystifié par "The Prestige". De ce postulat forcément subjectif, on s'attend à être, une fois encore, bluffé...


Ainsi, dans un futur très proche où une technologie assez simple permet d'accéder aux rêves des gens, "Inception" nous fait le récit d'un homme, Dom Cobb (Di Caprio), accusé d'avoir assassiné son épouse (Cotillard) et qui a dû quitter les États-Unis pour éviter d'être arrêté, laissant derrière lui ses enfants. Pour financer sa cavale, prouver son innocence et retourner au pays, Cobb fournit ses talents en infiltration de rêves au plus offrant, généralement des multinationales désireuses qu'il leur fournisse des "idées", volées dans les rêves des responsables de la concurrence. Jusqu'au jour où le directeur d'une importante firme japonaise (Ken Watanabe) lui propose de jouer de son influence pour le blanchir aux yeux de la justice américaine en échange d'une "inception", autrement dit du fait d'introduire une idée dans l'esprit de quelqu'un. Le concept du film et du scénario est donc plus que séduisant sur le papier, surtout dans les mains de Christopher Nolan. Pourtant, le résultat est on ne peut plus décevant…


La construction narrative est sans saveur, sans surprise, d'une platitude totale, ce qui ne fait qu'accentuer le contenu réel de l'histoire, d'une banalité affligeante compte tenu des ambitions portées par la thématique des rêves. Sans cesse au cours du film, on est pris par le sentiment d'un certain déjà-vu ; certes, le support du concept, les rêves, est original dans une certaine mesure, mais rien de neuf sous le soleil quant à l'approche intellectuelle qui en est faite. Les péripéties s'enchaînent avec linéarité et grande prévisibilité. On attend une narration intelligemment labyrinthique et réglée avec la précision d'une horlogerie atomique suisse et au final, on n'a qu'un vulgaire système de poupées russes convenu au possible et si enfantin à déchiffrer...
L'ennui finit par se faire sentir, et ce n'est pas la main très (trop) lourde sur le saupoudrage d'action et d'effets visuels qui relève le niveau, au contraire, car si action et explosions en tous genres sont toujours de ce beau réalisme et de cette école 80's/90's chez qui puise judicieusement Nolan, si les effets numériques sont très réussis, le tout n'est pas au service d'un scénario riche mais donne vraiment l'impression de faire du remplissage…


Pour couronner le tout, les personnages sont inintéressants, sans profondeur, en particulier le personnage principal qui n'est que d'une profondeur très convenue… Impossible de s'attacher à eux de quelque manière que ce soit… Et donc rien d'étonnant à ce que les comédiens soient moyens, ni vraiment bons, ni vraiment mauvais non-plus: Di Caprio, s'il déborde d'énergie, est inexpressif au possible, ne transmettant aucune émotion ou si peu, y compris dans des scènes où cela était évident, notamment sur la fin entre lui et Marion Cotillard, où elle, parvient à nous tirer un petit quelque chose quand lui est d'une neutralité totalement inappropriée… Il en va de même pour les autres (Cillian Murphy est transparent), seul Michael Caine (qu'on ne voit que deux minutes) s'en tire avec les honneurs.


Au final, on se dit que le film est une accumulation de bonnes idées qui auraient pu être brillantes si elles avaient été au service d'un script complexe, intellectuellement torturé et intelligemment narré par les frères Nolan: on aurait adoré être manipulé, déstabilisé avec le personnage principal qui l'aurait été également, perdu avec intelligence et subtilité entre rêve et réalité, le tout avant de se prendre une pure baffe au moment du dénouement. Mais il n'en est rien… Seule la dernière minute du film est à l'image du minimum de ce que l'on aurait pu espérer pour l'ensemble du métrage, même si, compte tenu de la prévisibilité générale, là aussi, et malgré la pointe d'ironie et de finesse, on s'y attend…


Edit : Le fait est que Jonathan Nolan, présent à l'écriture des scripts de la plupart des grands films antérieurs de son frère, n'est pas de la partie... Et ça s'en ressent ! Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'"Inception" marque un tournant entre les deux frères puisque Jonathan ne participera quasi plus aux projets de Christopher à partir de ce film. Et comme par hasard, cela correspond au moment à partir duquel le cinéma de Nolan se dégrade sérieusement question écriture. À se demander si Jonathan n'était pas celui qui retravaillait de fond en comble les idées de son frère pour en faire de grands scenarii. Je pense que Christopher a les idées originales et toute sa filmographie le prouve, mais que sans le talent d'écriture de son frère, il est incapable de les organiser avec justesse et pertinence, sans son frère, il n'arrive pas à valoriser ses bonnes idées et à écarter les mauvaises. Clairement, Jonathan est l'horloger qui sait assembler les rouages narratifs et huiler le récit. Edit end.


"Inception" est un immense plaisir gâché qui ne survit que par les quelques bonnes idées et parce que cela demeure un bon Nolan sur la forme (photographie, montage, choix artistiques,…) en dépit du fond qui lui frise de peu l'escroquerie…

Angelus
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le 9 févr. 2014

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