Un charme par trop fragile...

Entre les univers virtuels qui s’enchâssent à la "Matrix" et les doutes existentiels de Philip K. Dick, Nolan a décidé qu'il était temps de proposer un nouveau blockbuster hyper-conceptuel (... enfin, plutôt hyper-compliqué). Tant le scénario (?) exigeant du spectateur une concentration de tous les instants que la mise en scène vraiment trop syncopée (Nolan sacrifie toujours trop aux effets à la mode) transforment la vision de "Inception" en un véritable parcours du combattant, qui ne sera pas du goût de tous... et n'est finalement pas vraiment du mien ! Mais le véritable problème vient de la nécessité sans doute exagérée d'expliquer et de surexpliquer tous les concepts mis en oeuvre ici (comme quoi Nolan n'a pas complètement confiance en son public, ou alors il a besoin de rationnel pour se rassurer lui-même...) qui rend nombre de scènes trop bavardes, et l'ajout inutilement crétin de nombre de scènes d'action "à la James Bond" ni vraiment justifiables par le scénario ni même intéressantes.

Malheureusement, revoir "Inception" a pour résultat de diminuer fortement le charme assez fragile qu'on avait reconnu initialement au film : en comprenant mieux ce que Nolan nous raconte, on ne peut s'empêcher de voir les ficelles derrière le récit, l'artificialité des partis-pris, et, plus grave sans doute, le manque de perspective politique sur le sujet même du film. En fait de SF intelligente, on se dit que Nolan nous propose surtout un jeu de dupes, en n'adressant jamais les enjeux réels de son sujet. On se dit aussi que, du coup, il aurait mieux fait de se concentrer sur la superbe histoire d'amour torturé qui est le vrai cœur du film, mais également de mieux respecter le jeu de ses excellents acteurs en leur laissant un peu d'espace : même si DiCaprio reste crédible, son personnage n'est qu'une pâle réplique de celui - assez similaire - qu'il interprétait dans le "Shutter Island" de Scorsese.

A noter néanmoins une superbe idée finale désamorçant le happy end précipité et paradoxal des dernières minutes. [Critique écrite en 2010 et retouchée en 2016]