Suite à un accident, Jason Beghe se retrouve dans un fauteuil roulant. Pour l’assister dans ses tâches quotidiennes, son ami Geoffrey lui offre Ella, un singe capucin éduqué pour aider les handicapés. Mais à cause de modifications génétiques, Ella développe une intelligence qui finit par la rendre dangereuse pour les humains.


On m'avait dit que Monkey shines a une mise en scène à la Hitchcock. J’ai pu le constater assez tôt, avec un plan qui m’a rappelé les cours qu’on a eu sur Fenêtre sur cour en année prépa d’école de ciné : on a un personnage principal handicapé suite à un accident, et il est caractérisé par un panoramique qui longe des photos. Dans le cas de Monkey shines, on découvre que le héros, Jason, est un coureur, et qu’il vient de recevoir des cartes de bon rétablissement, etc.
Tôt dans le film, on peut voir aussi une mise en scène qui se distingue, par un détournement de la violence de l’accident. On voit le héros voler après s’être fait percuté par un camion, mais on ne le voit pas retomber, on voit juste les briques qu’il portait se briser au sol, et on imagine l’effet que la même chute doit avoir sur lui…
Romero se montre subtil, même avec des éléments qui pourraient être lourds. Le médecin qui s’occupe de Jason est présenté par sa mère comme un génie, alors que quelques scènes plus tôt on l’a vu faire une blague grivoise durant l’opération. Je dis "subtil" néanmoins, car contrairement à ce qu’aurait fait un grand nombre de cinéastes, Romero n’insiste pas là-dessus, il laisse le spectateur remarquer ce détail ou non.
Dialogue entre Jason et son ami Geoffrey, à propos de la copine du premier : "If she walks out on you now, fuck he" – "I can’t". C’est un peu beauf, et on a une légère envie de sourire, vite oubliée quand on voit la gravité sur le visage des acteurs.
Jason est bien évidemment amer par rapport à ce qui lui est arrivé, mais pas aigri non plus, ni colérique. Là aussi, c’est une approche de la part du réalisateur pas si évidente que ça, le premier réflexe aurait justement été de faire partir l’acteur dans des extrêmes. On a dans Monkey shines quelque chose de plus profond, et plus crédible en un sens.

George Romero, ou alors l’auteur du bouquin, car Monkey shines est une adaptation, a pas mal d’idées de scènes variées qui montrent le désarroi du héros, et sa difficulté à se faire à sa nouvelle condition. Les médecins pensent pouvoir résoudre le problème de sa déprime à coups de médicaments.
Le dernier Romero que j’ai vu est Martin, que je n’avais pas trouvé très bien écrit, et plutôt confus. A l’inverse, je trouve que Monkey shines bénéficie d’un très bon scénario.
Il y a un bonne gestion des différentes intrigues, et j’ai été impressionné par certaines séquences multi-fonctions, qui arrivent à connecter plusieurs intrigues en même temps. Lors d’un séjour de Jason à l’hôpital, sa copine arrive, et alors qu’on croit qu’elle vient pour lui, elle sort en fait avec un médecin. Quand Jason cherche à montrer à Geoffrey comme Ella est devenue intelligente, il la fait téléphoner au labo de Geoff, qui découvre que quelqu’un s’y trouve en son absence.
(et en plus, on a des répliques superbes ; "You clinical cunt", "I don't expect to find sin in an urine sample")

Je crois qu’avant d’entendre parler de ce film, je n’imaginais pas qu’il existait des singes servant à assister les handicapés.
Dans Monkey shines cependant, le singe qui aide Jason se voit injecter des cellules d’un cerveau humain, pour devenir plus intelligente.
Quand je pensais au film, ça me semblait pas bête, l’idée d’exploiter le potentiel dangereux et effrayant des primates. Rien que l’image du singe au générique de début, d’un rouge vif, a de quoi effrayer. Le plus surprenant, c’est que le film arrive également à rendre ces créatures mignonnes.
Au début, avec l’arrivée d’Ella dans le foyer de Jason, le film fait preuve de pas mal d’humour, on pourrait se croire dans un de ces feel-good movies.
Et par la suite, le singe fait vraiment peur. George Romero arrive avec brio à passer d’un extrême à un autre.
Rares sont maintenant les films qui arrivent à me faire peur, mais là Romero fait appel à des craintes ancrées dans le réel : la menace d’un hachoir qu’on élève et abaisse à toute vitesse devant une main qui se tend, une aiguille qui caresse la peau et menace de rentrer dedans à tout moment. Vers la fin du film, Romero nous tease affreusement avec cette aiguille, faisant que le singe la passe sur les endroits les plus sensibles du corps.
Et c’est énorme comme le réalisateur arrive à rendre d’une grande gravité une attaque d’oiseau, ou la chute d’un lit, avec une mise en scène qui fait exceptionnellement dans la démesure, et le pire c’est que ça marche !
Alors que le singe Ella devient violent, Jason aussi, comme s’il y avait une connexion entre les deux, un peu comme celle entre Arnie et la voiture dans "Christine", sauf qu’ici il y a une explication un peu plus concrète.
Et Romero ne se contente pas d’expliquer, par le biais des dialogues, que les deux êtres commencent à ne faire plus qu’un, il l’exprime aussi par la mise en scène. Il y a ces deux gros plans sur la bouche d’Ella et de Jason, dont les dents font penser à celles d’une bête (je ne sais si ce sont des prothèses ou vraiment les dents de l’acteur, faudra que je demande à George si j’en ai l’occasion un jour). C’est suivi d’un geste qui montre qu’Ella prend soin instinctivement de Jason, qui exprime davantage qu’il y a un lien fort entre les deux personnages, et qui est porteur d’un double-sens qui montre que ça va presque plus loin qu’un rapport entre homme et animal. Du génie.
Et à la fin, c’est en se comportant comme un animal que Jason l’emporte.
Les acteurs sont tous vraiment bons, par ailleurs. Le jeu de Christine Forrest, l’ex de Romero, ne m’avait pas marqué dans Martin, mais là elle est vraiment bien. Et il est dommage que l’actrice Kate McNeil ne soit pas plus connue, elle est particulièrement jolie.

Avec un film que j’ai trouvé aussi intelligent, j’ai été surpris par quelques éléments qui relèvent du film d’horreur plus simpliste. A la fin, il y a une séquence de cauchemar de merde, une de celles qui sert à rajouter une frayeur supplémentaire dans le film, sans avoir besoin de lier cette scène au reste de l’intrigue.
J’ai aussi été très surpris par l’usage inattendu et ponctuel de CGI dans un plan où le ciel, rempli de nuages, est vert. Comme on se retrouve ensuite dans un labo éclairé d’une lumière rouge, on dirait que Romero a tenté d’avoir une esthétique à la Suspiria (ce qui ne serait pas trop étonnant, vu qu’il est ami avec Argento), mais c’est raté.

J’avais lu sur IMDb que Monkey shines est le premier film de studio de Romero, et que le studio Orion avait remonté le film sans son accord. Je ne sais pas si le montage qu’on a actuellement en DVD est ce montage-ci, en tout cas il ne nuit nullement au film, que j’ai trouvé excellent.
Je suis vraiment surpris des notes relativement basses sur IMDb et Senscritique, car selon moi Monkey shines est le film le plus réussi de Romero que j’ai vu. Pas mon favori toutefois, car, plus subjectivement, j’ai plus de plaisir à voir des zombies. Mais je recommande fortement Monkey shines, trop peu connu.
Fry3000
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le 22 janv. 2013

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Wykydtron IV

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