22h : J’ouvre Mubi. Indian song de Marguerite Duras car, Delphine Seryig. Delphine Seyrig marmoréenne en bourgeoise coloniale languissante sur le sol d’un grand hôtel particulier. La soie noire se découpe dans la tristesse des tapis usées de déambulation incessante, par ennui. Ils jouent à guichet fermé, pour eux même. Les dialogues sont rajoutés post-prod, avalanche de commentaires extérieurs. Voyeurisme naïf pour une contemplation du vide. Tous privés de parole, Delphine Seyrig muette, elle dont la voix m’obsède réduite à la sculpture.

L’isolement.

Plus le film se déroule plus j’y vois dans ces successions d’espaces vides, plans sur jardin de Shalimar, terrain de tennis vide à la bicyclette abandonnée, des échos avec un monde en quarantaine. Cet espace aux codes empruntés de l’Asie moulé dans le regard d’Européen désœuvrés, semble agir avec puissance sur l’imaginaire collectif du monde, donc chaque jour la télévision fait le commentaire. Les amants de Calcutta ont du mal à vivre dans leur prison sans passion, et aussi me renvoient au défit de mon propre sort à savoir réapprendre à vivre en dehors de la vie. Spectateur en voix off, des tramways qui passent dans un bruit de chauffe électrique toutes les dizaines de minutes sans aucun passagers.

Je me ressers un verre de rouge. 40min11 : « Que me voulez vous? - Vous parler. (…) Vous ne vous habituez pas, vous non plus? »

Les premiers mots sont dits, hors champ, puis retombent à l'indirect. J’ai bien peur que dans l’heure restante du film de Duras, jamais une conversation ne pourra s’engager de façon frontale, physique. Tout comme l’angoisse pré-digérée de ne pouvoir engager une conversation frontale, physique, avec vous avant deux mois.

Delphine danse elle a une robe rouge qui solidifie son corps, comme les bâches desquelles on protège les vestiges antiques.

Un dernier verre de vin, avant une deuxième apparition en robe rouge près du près du piano, avant que je ne m'endorme.

De_Lautréamont
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le 5 avr. 2020

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De_Lautréamont

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