« La mort dans une vie en cours qui jamais ne vous rejoindrait »

India Song met en scène le crépuscule de l’homme et de l’amour, un crépuscule pouvant renvoyer à la naissance de l’astre solaire, équivalant ainsi à une promesse de renouveau, ou à sa mort, faisant des personnages des ombres sur le point de disparaître. La mise en scène travaille l’abîme de l’espace filmique par le biais d’un grand miroir que l’on prend d’abord pour une entrée vers une autre pièce mais qui ne constitue, en réalité, que le reflet de celle dans laquelle nous nous trouvons, un reflet qui donne accès à ce que la caméra ne peut capter, ce qui se trouve derrière elle, avant elle. Pris en étau entre l’avant et l’arrière, le commencement et la fin, le film diffuse un sentiment de désespoir universel fait de réminiscences : les pièces sont autant de chambres d’échos qui se peuplent de voix inconnues, parfois indiennes, parfois françaises, dont le télescopage construit une densité primitive, comme d’avant la parole, un brouillage sonore aussi déconcertant que poétique. À l’instar de ce thème magnifique composé par Carlos d’Alessio et interprété au piano.


India Song, c’est une œuvre sur la fin du monde, la fin d’un monde, celui des ambassades blanches des Indes, où les êtres habitent lourdement l’espace tout en le parcourant de façon flottante : leur érotisme est spectral, à l’image de ce sein dénudé autour duquel se couchent les amants ; ils sont pesants, couverts des costumes de la réception à l’ambassade alors que la saison est celle de la mousson d’été ; le départ de l’un annonce l’entrée de l’autre à l’écran, telle une redite, la répétition du même, mais différent. Ce n’est pas un hasard si le long métrage s’ouvre et se ferme sur le plan du soleil couchant : Marguerite Duras emprunte et rend, elle tire de là son histoire et la finit là. Le temps du cinéma – deux journées – semble hors-temps, ne rejoint jamais le temps du monde. Il capte les derniers trajets d’une humanité qui marche vers sa fin, vers le Gange, l’engloutissement et la mort, « la mort dans une vie en cours qui jamais ne vous rejoindrait ».

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le 25 avr. 2020

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