Le troisième épisode des aventures d’Indiana Jones a été longtemps attendu et je me souviens qu’enfant, ç’a été la première fois qu’une telle impatience me démangeait pour la sortie d’un film. Et quelle récompense ! Indiana Jones and the Last Crusade raconte en ouverture les points les plus iconiques de



la légende de l’archéologue baroudeur,



développe son intrigue entre humour et suspense autour de la plus sacrée des quêtes, et réserve deux surprises de choix pour hisser le niveau du casting.
Une conclusion grandiose à la meilleure trilogie d’aventure des années quatre-vingt !


L’ouverture du film fonctionne quasiment comme un court-métrage indépendant du film en se concentrant sur un épisode de jeunesse du jeune Henry Jr Jones, scout en vadrouille au cœur des Rocheuses déjà engagé dans la préservation des reliques de l’Histoire.



It belongs in a museum ! 


C’est le jeune River Phoenix qui endosse le rôle pour dévoiler une bonne partie de sa légende : le jeune aventurier est déjà intrépide, entreprenant, n’a déjà peur de rien, pas même des serpents jusqu’à ce qu’il chute dans un bac grouillant de reptiles lors d’une scène d’anthologie à bord d’un train animalier de cirque, dans lequel il déniche bientôt un fouet pour se défendre et ce faisant, grave ad vitam cette légère cicatrice au menton. La course poursuite est haletante, son dénouement à la fois jouissif et frustrant : récompensé autant que désarçonné, le jeune Indy hérite alors de son adversaire ponctuel son fameux chapeau comme un encouragement à son incroyable persévérance. L’art du maître est là, concentré dans cette introduction extraordinaire qui narre toute la légende du héros en vingt minutes à peine, une bobine standard pour



un bijou de court-métrage :



assurément Steven Spielberg sait comment entraîner le spectateur au cœur du film, et cela sans même encore avoir dévoilé la moindre piste vers l’intrigue principale – enfin si, une, à peine esquissée d’une main paternelle mystérieuse sur un carnet de cuir.
Bonus de cœur autant que de maestria.


L’aventure commence ensuite, plus de vingt ans plus tard : recruté par un collectionneur privé pour marcher sur les traces de son père dans la quête la plus sacrée d’entre toutes, celle du Saint Graal, Indiana Jones s’envole en compagnie de son ami Marcus Brody pour Venise, où les accueille la pulpeuse docteur Elsa Schneider. Encore une fois, 


maîtrise incroyable du rythme pour une narration insaisissable :



des catacombes d’une vieille église de la cité lacustre jusqu’aux ruines de Petra en Jordanie, en passant par un château autrichien qui sert de base stratégique aux nazis, crochet au pied d’un autodafé à Berlin, les professeurs Jones père et fils entraînent les spectateurs dans une aventure hors-norme où le plaisir et la surprise le disputent au suspense et à l’émotion la plus intense. Enjeux sentimentaux et familiaux, dose d’humour décuplée grâce à d’inénarrables et inoubliables dialogues – devenus cultes – entre Henry père et Indy, photographie splendide pour sublimer quelques merveilles du globe, mécaniques et pièges géniaux, humilité contre avidité, tensions dramatiques à leur paroxysme, effets spéciaux monumentaux et teintes de gore dans la lignée des épisodes précédents, l’opus final de la trilogie met la barre très haut tandis que Steven Spielberg continue sans relâche d’affirmer combien il s’amuse à divertir le monde



avec intelligence, sérieux et talent.



Si les deux premiers films de la trilogie n’ont quasiment aucun défaut, celui-ci vient étaler de longues leçons de narration audiovisuelle et devrait être disséqué, aussi bien plan à plan que dans son ensemble et jusqu’en parallèle avec ses aînés, dans toutes les écoles de cinéma du monde : tout y est de l’équilibre fragile des variations de tons pour dynamiser sans répit ce récit d’aventure qui pourrait être simple entre les mains d’un cinéaste lambda mais qui touche ici au sublime.


Au-delà du maître réalisateur, il est indispensable de souligner l’excellence du casting. Évidemment, Harrison Ford prend un malin plaisir à endosser une nouvelle fois la panoplie de poussières de l’archéologue hors des sentiers balisés, et sa prestation impliquée s’en ressent : il est Indy jusqu’au bout des ongles et la confrontation au père Sean Connery – à double dimension quand on se souvient combien la saga doit au souvenir des meilleurs James Bond – décuple l’intensité des enjeux. Le répondant de l’un à l’autre est certainement, je me répète je sais, le moteur essentiel du métrage : incompréhension, décalage, rancœurs subtiles sous une tendresse indéfectible qui ne dit son nom que face aux angoisses les plus primales, la quête partagée de ce saint graal cache



de complexes mécaniques intimes



et vient magnifier le cheminement intérieur de ce héros qui a longtemps cru se construire contre l’ombre imposante de ce père maladroit. J’ai déjà évoqué la performance de River Phoenix qui trouve ici un rôle à la hauteur de sa trop brève légende. Et passées ces surprises, le plaisir vient aussi des puissantes compositions de Denholm Elliott et de John Rhys-Davies qu’on ne peut qu’être heureux de retrouver et qui complètent sans commune mesure le petit groupe de têtes brûlées.


Au final, Indiana Jones and the Last Crusade raconte donc bien plus que cette quête fantastique d’un objet mythique :



la quête du graal devient une forme de djihad, au sens premier et noble du terme, une quête de soi.



Indiana Jones et son père montrent la voie à des milliers de spectateurs vers l’acceptation de soi, vers le pardon filial et viennent affirmer qu’aussi éloigné de celui de ses parents semble le chemin emprunté, il ne se dessine là que dans cet équilibre instable et incertain de ce qu’on accepte et de ce qu’on renie de ses origines et de son éducation. Cette quête aboutit ainsi, pour le héros autant que pour le spectateur qui s’y laisse porter, à



une forme d’illumination intime et identitaire,



et tout l’art de Steven Spielberg réside bien dans la multiplication des pistes et des indices qui le disent.
Loin de se contenter d’un nouvel opus, le cinéaste a pris grand soin pour clore les aventures de son héros d’y porter sens et de rendre hommage au plus difficile des métiers – celui de père – autant qu’au plus intime des chemins – celui de l’acceptation de soi et du combat quotidien vers l’élévation constante de l’âme au profit de ceux qui nous entourent.



Chef-d’œuvre !


Matthieu_Marsan-Bach
9

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le 6 juin 2017

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