Indiana Jones est recruté par le milliardaire Walter Donovan (Julian Glover) pour partir à la recherche du Graal. Seulement, les nazis sont également à la poursuite de cette relique capable de leur donner la vie éternelle. Et, comble de malchance, ils détiennent le père d’Indiana Jones (Sean Connery)…


Arrivé au troisième volet de la saga, on ne sait plus que dire, tant on a déjà chanté avec une ardeur non feinte les louanges des deux exceptionnels premiers volets. On peut néanmoins continuer à souligner l’inconcevable richesse de cette saga, qui ne cesse de s’améliorer de volet en volet (si on excepte le 4e épisode, néanmoins très honorable).
Parti de l’excellence avec un premier épisode culte en tous points, Spielberg touche ici à la perfection la plus absolue. Renouvelant constamment les codes de la saga tout en les perpétuant, Indiana Jones et la dernière croisade bénéficie sans doute de la séquence d’introduction la plus culte. Si Les Aventuriers de l’arche perdue posait en quelques plans bien sentis les symboles du héros dans sa géniale introduction, la séquence du troisième volet réussit à faire de même en nous faisant jeter sur lesdits symboles un regard neuf : revenir à l’origine de toutes les caractéristiques du héros (dégoût des serpents, chapeau et veste de cuir, fouet, etc…) est sans nul doute une idée de génie qui transforme ce quart d’heure introductif en véritable jeu de piste, dans lequel on chasse les indices qui nous permettent d’assister à la construction de notre héros favori.
Le regretté River Phoenix incarne aussi bien que son aîné le personnage, et c’est avec jubilation que l’on assiste à ce film dans le film, cette séquence constituant un modèle de mise en abyme (le même méchant combattu deux fois, de même que les nazis que rencontre à nouveau Jones dans ce volet, le père absent qui annonce la suite du film et introduit le carnet menant au Graal, etc.).


Un modèle de mise en scène, également, tant la photographie immersive du fidèle Douglas Slocombe a le génie pour trouver l’angle de caméra qui nous place littéralement aux côtés des personnages, de l’autre côté de l’écran. Ce génie, bien sûr, se retrouvera sur tout le film, et même si l’on n’égale jamais la puissance visuelle (inégalable) d’Indiana Jones et le temple maudit, contribue très largement à la réussite d’un film qui n’a certes plus à faire ses preuves.
Mais si chaque plan marque autant la rétine, on ne le redira jamais assez, c’est encore et toujours grâce au montage ultra-dynamique de Michael Kahn, qui agence les plans avec un art consommé, s’amusant souvent, et nous avec, à ce fascinant jeu de construction qu’est le montage cinématographique. Ainsi un cut apparemment innocent prend tout son sens lorsqu’il met bout-à-bout ce plan de l’incendie provoqué par la maladresse d’Henry Jones Sr. avec le briquet de son fils et cet autre plan d’Elsa allumant sa cigarette, de même que le montage donne un double sens à un plan sur Donovan remplissant des coupes de champagnes au moment où Indiana Jones parle du Graal comme source de vie.


Toujours astucieux dans sa conception même, Indiana Jones et la dernière croisade sème une foule de gags, plus ou moins discrets, sur son chemin, transformant son spectacle en comédie d’aventures particulièrement réjouissantes, proche parent des futurs Pirates des Caraïbes. La grande réussite de ce troisième épisode par rapport au premier, c’est qu’il initie cette recette qui fera merveille chez de futurs grands noms tels que Gore Verbinski ou Matthew Vaughn : ne se contentant pas de mettre dans son film des scènes humoristiques et des scènes d’action, Steven Spielberg va jusqu’à mettre de l’humour au cœur même de ses scènes d’action : qu’un avion nazi emprunte malencontreusement un tunnel le privant de ses ailes ou qu’Henry Jones Sr. découpe involontairement l’empennage de son propre avion avec sa mitrailleuse, on rit en même temps qu’on frissonne, dans des scènes géniale où l’alchimie est telle que peu de réalisateurs peuvent prétendre l’avoir déjà atteinte au cours de leur carrière. Ainsi, sans jamais décrédibiliser son intrigue et ses enjeux, Indiana Jones et la dernière croisade fait montre d’une autodérision hilarante qui ne nuit jamais au ton épique de la saga.
Cette alchimie géniale se retrouve d’ailleurs dans les personnages, sans nul doute les mieux écrits de toute la saga, quelle que soit la longueur qu’elle atteindra. Indiana Jones est certes fidèle à ce qu’il était déjà dans les deux premiers volets, c’est-à-dire un héros sans peur mais pas sans reproches, à la fois courageux et pur mais aussi brutal et impulsif, mais les personnages secondaires déclinent de savants stéréotypes dont il semblerait qu’on ait perdu la recette aujourd’hui. Ainsi du père d’Indiana Jones, dont le déphasage constant avec ce qui l’entoure est certes une source d’humour permanente, et le rend pourtant profondément touchant, mettant à nu les fragilités de cet homme intelligent et droit, regrettant ses fautes passées ou refusant qu’on utilise le nom de Dieu en vain. Ainsi de Marcus Brody, dont le décalage est sensiblement le même, mais qui se montre plus impulsif et moins courageux, se plongeant ainsi dans les pires situations qui soient dont il ne peut se tirer lui-même : pourtant, ce personnage dépasse son simple statut de second rôle humoristique, tant il se montre émouvant de par sa loyauté envers ses amis, notamment dans le magnifique final où il veille son ami mourant.
Bien sûr, si ces personnages sont aussi réussis, c’est d’une part grâce à l’écriture de Jeffrey Boam, George Lucas et Menno Meyjes, mais également grâce à un casting prodigieux. Sean Connery trouve sans nul doute ici le plus beau rôle de sa carrière, tandis que Denholm Elliott insuffle une belle humanité à son personnage, de même que John Rhys-Davis, malheureusement moins présent que dans le premier épisode. Du côté des méchants, Alison Doody et Julian Glover ne sont d’ailleurs pas en reste, composant des traîtres d’anthologie, haïssables et charismatiques, admirablement secondés par le glaçant Michael Byrne.


Multipliant les scènes cultes, le scénario se montre d’ailleurs d’une efficacité prodigieuse, cette fois ouvertement influencé par Tintin, déroulant une ligne narrative très claire, aux péripéties si entraînantes qu’on sort presque essoufflé du film. Mené à tambour battant, Indiana Jones et la dernière croisade bénéficie enfin d’une bande-originale exceptionnelle, sans doute la meilleure que John Williams ait jamais composé (à égalité avec celle d’Indiana Jones et le temple maudit), aux tonalités wagnériennes et aux thèmes très reconnaissables, allant d’airs mystiques (grandiose thème du Graal) à des mélodies bondissantes telles que le formidable Scherzo for motorcycle and orchestra, un des plus beaux thèmes jamais composés par le Maître.
Par chance, et grâce à la magie du générique de fin, le compositeur est toujours la dernière personne que nous quittons lorsqu’on termine un film. Et terminer n’importe quel Indiana Jones sur les notes de Williams est un de ces plaisirs uniques au monde, que chaque cinéphile connaît par cœur et dont aucun ne peut se lasser.
C’est bien sur ce sentiment inimitable que se clôt une des plus grandes sagas de tous les temps qui, comme pour faire écho à sa dimension parfois religieuse, constitue, malgré les suppléments qu’on y ajoutera par la suite, une trinité parfaite. Une trinité peut-être pas sainte, mais en tous cas éternelle…

Tonto
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le 28 mars 2020

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