Amours bridées quand jaunit "La folie des grandeurs" coloniale française

Chic ! Mot d'auteur : "C'est pas beau d'être si beau, quand on n'a pas de beauté !". Surtout, pour jalouser une héroïne jouée par la Deneuve de ces années-là. La tirade est un des grands moments d'"Indochine". Film qui montre avec ampleur et intensité romanesque des destins individuels au coeur d'une page d'histoire nationale.
Beauté. Le récit, écrit à 8 mains, est tout entier basé sur le charisme de la Grande Catherine du cinéma hexagonal. Elle est une Française née dans le vaste domaine à caoutchouc qu'elle dirige avec poigne, entre son père fantomatique et sa fille adoptive, une princesse de sang. Eliane-Camille, une complicité féminine qui bascule quand elles se mettent à aimer le même jeune et bel officier. Deux amours parallèles et opposées, de plus bridées par l'Histoire en marche. Car cela se passe dans les années 30, alors qu'en Indochine jaunit "La folie des grandeurs" coloniale à la française. Grandeur en terme d'expansion économique, de rayonnement culturel. Folie de combattre l'élan d'indépendance qui vibre en s'appuyant sur l'illusion communiste.
20 ans après, subsistent des êtres séparés par la mort, de terribles épreuves morales et physiques, la légende de la Princesse rouge.
"Indochine" évoque le sud-est asiatique français en se distinguant nettement de "Dien-Bien-Phû" (très guerrier) et de "L'Amant" (assez snob). Wargnier, entre nostalgie et lucidité, signe un film qui a le souffle de l'épopée mais aussi la douceur de la chronique intimiste. Superbes visions : des coolies, casque fanal sur la tête, tailladant l'hévéa dans une aube brumeuse ; une flotille de sampans en baie d'Halong le soir, etc.
Deneuve, en femme de tête cachant mal ses faiblesses, moins réfrigérante que d'autres fois, trouve un rôle phare. Aussi maîtres de leurs personnages : V. Pérez, jeune militaire qui remet tout en cause ; J. Yanne, en chef de la sûreté blasé et amoureux sans espoir ; Linh Dan Pham, révélation en héroïne dont la personnalité se radicalise de manière emblématique...
"Indochine", puis Vietnam, Cambodge... Peuple jaune, vie pas encore rose !

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le 12 mars 2016

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