Paul Thomas Anderson (PTA pour les intimes) continue à marcher sur les pas de son maître Robert Altman en revisitant comme lui le mythe du Privé. Si Magnolia était son Short Cuts, Inherent Vice est son Privé. Adaptant un roman de Thomas Pynchon il reprend tous les codes du film noir les transposant à l’aube des 70’s le détective remplace le whisky par le joint, son enquêté est narrée en voix off (celle de son amie astrologue Sortilege) la femme fatale son ex Shasta (Katherine Waterston) qui revient dans sa vie après des années d’absence avant de disparaître à nouveau non sans l’avoir mis sur la piste d’un complot contre son nouvel amant un impitoyable magnat de l’immobilier…

Inherent Vice est un trip ou comme souvent dans le film noir (les classiques y compris) l’enquête devient vite obscure et sert de prétexte pour dépeindre une galerie de personnages (portant ici des noms tous plus étranges les uns que les autres : Sauncho Smilax, Penny Kimball, Japonica Fenway, Riggs Warbling, Petunia Leeway) qui comprend des bikers nazis, des prostituées asiatiques, des avocats véreux ,des agents du FBI, un détective du LAPD figurant à ses heures dans des séries TV (Josh Brolin) , un musicien drogué infiltré (Owen Wilson) et une mystérieuse organisation connue sous le nom de Golden Fang (le croc doré)…

Inherent Vice est un trip Noir ensoleillé parfois absurde avec des touches de burlesque dignes du slaptick , il s’apprécie d’autant plus qu’on ne s’accroche pas trop à la logique et qu’on se laisse porter par son chaos même si il n’est pas exempt de quelques longueurs, Anderson se laissant volontiers aller à quelques digressions.

Malgré son coté décalé le film baigne dans une profonde mélancolie, celle du souvenir de sa relation passée qui habite Doc Sportello qui représente aussi le deuil d’une époque révolue.En effet PTA dépeint une période de l’histoire américaine ou s’effondrent les utopies des années 60 sous le poids des dérives de la drogue, l’affaire Manson terni l’image des hippies alors que se profile la révolution conservatrice incarnée par Nixon mais surtout par le gouverneur de Californie et futur président Reagan.

Inherent Vice et sa galerie de « weirdoes » donne au casting l’occasion de faire de véritables démonstrations. En premier lieu évidemment Joaquin Phoenix qui a remplacé Robert Downey Jr. prévu à l’origine. Même si j’avoue ne pas aimer cet acteur j’aurai du mal à voir désormais quelqu’un dans le rôle, l’énergie de Downey Jr. n’aurait pas collé au personnage. Phoenix fait de Doc Sportello ce détective perpétuellement « stoned » au regard de chien battu le dernier vestige des illusion bientôt perdues de la génération hippie mais aussi un homme doté d’un fort sens moral, intègre dans un univers corrompu. Les seconds rôles sont tous excellents mais je retiens particulièrement la performance « énorme » de Josh Brolin dans son meilleur rôle :le Lt. Det. ‘Bigfoot’ Bjornsen un policier perpétuellement en colère qui refoule certainement beaucoup de choses au vu de la manière dont il déguste une banane au chocolat…A la fois antagoniste mais seul allié de Doc, Josh Brolin fait de ce Dirty Harry qui se rêve comédien un personnage à la fois hilarant et finalement touchant.

La découverte du film c’est Katherine Waterston sexy, fragile et vénéneuse elle a une scène d’une intensité incroyable avec Phoenix.

Techniquement la photographie sublime de Robert Elswit nous ferait presque croire que le film a été tourné en 1970 sur pellicule d’époque, l’effort de reconstitution est impeccable. La musique de l’ex Radiohead Johnny Greenwood mélangeant sonorités 70’s et moderne est envoûtante.

Conclusion : Labyrinthique, mélancolique et burlesque malgré quelques langueurs le trip de PTA vous envoûtera si vous savez capter son étrange longueur d’onde.
PatriceSteibel
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le 3 mars 2015

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