Insaisissables par Adam Sanchez
Le cinéma de groupe, Hollywood en a fait l’une de ses spécialités. Le genre qui marche très souvent, dans tous les styles, sous toutes les sauces. Le sujet de la prestidigitation, un peu moins, où beaucoup de cinéastes s’y sont cassés les dents (l’Illusionniste et Le Prestige, deux exemples flagrants d’échec face au public). Entre film de braquages et récit d’un collectif de magiciens, nommé les Quatre Cavaliers, qui enchaîne à travers le monde tours de magie à grande ampleur, Insaisissables est à l’image de son réalisateur : totalement extravagant. Depuis 2005 et la réussite improbable de Danny the Dog, Louis Leterrier a fait du chemin et s’est affirmé comme l’un des faiseurs de blockbusters accumulant le plus de succès. Problème est, dans cette transition vers le succès, son cinéma a perdu en âme, en saveurs, ce qu’il a gagné en prétentions et en esbroufes. Insaisissables est donc un film vaguement personnel, forgé à grands coups d’influences diverses et variées où le cinéaste ne parvient ni à provoquer la surprise, la drôlerie et où même l’échec visuel dévoile un cinéaste perdu dans ses idées de grand cinéma, aux ambitions mondiales.
Passée une première demi-heure des plus agréables où l’ambiance purement décomplexée du métrage fait beau à voir en ces temps de grand cynisme dans les salles obscures, la machine sombre peu à peu vers le récit nolanien. Entre le Prestige et le Ocean’s Eleven de Steven Soderbergh, Leterrier fait planer sa caméra dans les immenses salles de Las Vegas en y intégrant, savamment, la notion de plaisir de visionnage. Malheureusement, à vouloir allonger ses effets à l’infini, la réjouissance se perd pour gagner en aigreur, en insipidité. L’insignifiance stationnaire des personnages prend le dessus et le rappel constant vers leurs performances passées (un Jesse Eisenberg reparti, sans déplaisir, dans la peau de Mark Zuckerberg, un Woody Harrelson en roue libre) soulignent le désintérêt que le metteur en scène a pour ses protagonistes, pourtant éléments essentiels dans la construction de son récit.
Pire encore, une fois les tours de magie exécutés, qui se délimitent à quelques séquences sympathiques mais éphémères, le réalisateur ne sait comment combler les trous et finit par tomber lui-même dans les pièges de ce genre de film d’été, décomplexé pour certains, bâclé pour d’autres. Entre une direction artistique inégale (l’impression désagréable d’être face à un film fauché) et un scénario sans intensité, sans grâce, Insaisissables se transforme trop rapidement en une désillusion des plus totales pour le spectateur lucide. Et une fois les tours dévoilés, la finalité de l’intrigue posée sur la table, il ne reste plus grand chose à part la marque persistante de quelques scènes, témoins d’un véritable savoir-faire de cinéaste, mais surtout la tristesse d’un cinéma bancal et qui prend son spectateur pour tout ce qu’il n’est pas.
Moins de plaisir pour plus de fanfaronnade, Insaisissables déçoit au vue d’ambitions scénaristiques maximales pour un récit qui se révèle être minimale. Plaisant par touches, mal écrit et surtout très mal dirigé, la surprise de l’été au box-office mondial est en effet un braquage. Un braquage d’influences cinés qui empêche au cinéma de Leterrier de prendre clairement en puissance et en réjouissance. Ne reste finalement du métrage qu’un panorama d’idées, d’effets, maladroitement assemblés.