Le film s’ouvre sur un micro. Nous sommes en 1961. On aperçoit d’abord un visage barbu, celui de Llewyn Lewis, sur la scène. La scène se déroule dans un bar. Le plan se fait ensuite plus large, et on le voit, accompagné de sa guitare. Il commence à jouer, entame un « Hang me, oh hang me ». La lumière l’éclaire d’une manière presque divine. Champ : nous avons la vue du public du point de vue de Llewyn. Contre-Champ : cette fois-ci, nous avons sommes du côté des spectateurs, en train d’observer le chanteur, seul sur la scène. Le public est attentif, et regarde le chanteur avec enthousiasme. A la fin de la chanson, Lewis adresse quelques mots au public, puis se lève. Il marche en direction du gérant, discute un peu, puis celui-ci lui explique qu’un ami à lui l’attend à l’extérieur du bar. Llewyn sort dehors, et aperçoit un homme dans la ruelle, tout vêtu de noir, portant un chapeau sur la tête. Il lui adresse quelques mots, l’homme lui répond, puis s’avance pour le passer à tabac. L’homme s’en va ensuite.
Inside Llewyn Davis raconte une semaine dans (d’où le « Inside » du titre, vous vous doutez bien) la vie de Llewyn Lewis, un chanteur de folk. Il n'y a pas une seule scène du film où il n’est pas présent. Petit topo sur le monsieur: c'est un homme âgé d’environ la trentaine. Il est barbu (ça, je l'ai déjà dit), a des cheveux châtains. Il est un peu enveloppé disons. Llewyn cherche à devenir une star, mais n’en sera jamais une. Il n’est jamais là au bon moment, n’a donc pas de chance. C’est un loser, comme on dit. Il vit dans la précarité, ne possède pas d’habitat. Il n’a pas d’attache affective vraiment solide : sa famille le rejette, ses « amis » ont leur vie bien à eux.. Et puis tout va mal depuis que Mike, avec qui il avait fondé un groupe, s’est suicidé. Bref, de quoi faire un tabac sur un certain site français en trois lettres.
Une fois la scène d’intro passée, nous retrouvons le personnage principal dormant sur un canapé, réveillé par un chat roux. On comprend rapidement qu’il n’est pas chez lui puisqu’il écrit un petit mot avant de s’en aller. Or, au moment de partir, le chat arrive à se glisser dans l’entrebâillement de la porte, ce qui oblige Llewyn à l’emmener avec lui, puisque la porte vient de se fermer et qu’il ne possède pas les clés. Contrairement à l'adage, ce ne sera pas le chien, mais bel et bien le chat qui sera le meilleur ami de l'homme, ici.
Cette scène est à l’image du reste du film, et de l’ensemble de la vie de Llewyn Davis: il ne cesse de vagabonder, insouciant. Il n’a pas de « chez lui ». Ainsi, lorsqu’il ne dort pas chez cette personne-là, il s’incruste chez sa jeune amie Jean, avec qui il a eu une aventure. Jean, c'est Carey Mulligan. Du coup, même si elle n'a pas forcément le corps d'Adriana Lima, elle a toujours plus de charme et une petite bouille adorable. Donc on veut bien le comprendre..
Evidemment, quand je parle "d'aventure", inutile de préciser que Davis l'a carrément foutu en cloque, la pauvre. De quoi continuer à le traiter affectueusement de "merde" encore et toujours, comme elle aime tant le faire. Précisons également qu'elle est en couple avec le naïf Jim (comme il est tout mignon avec ses pulls en laine!), avec qui elle chante et rencontre un certain succès. Elle souhaite donc avorter, et notre cher Davis devra trouver l'argent pour. Quand je vous dit qu'il a une vie de merde..
Malheureusement, et logiquement, tout le monde finit par le repousser à un moment ou à un autre.
Lewis est rejeté à la fois par son entourage (même sa sœur n’a que peu d’estime pour lui, et il n’adresse plus la parole à son père), mais également par les professionnels : ce que décrit parfaitement la scène de l’audition à Chicago. Le producteur, Grossman, apprécie la musique de Lewis, mais ne peut pas le produire. Il n’a rien de plus que les autres.
Ajouté à cela que si Lewis parvient à enregistrer un album avec son bon ami Jim et un certain Al Cody qui l'hébergera lui aussi, c’est seulement en guise de remplacement, le guitariste originel ayant été absent. On ne le demande qu’en dernier recours. De plus, on peut aussi rappeler que son manager ne le paye même pas..
De ce fait, la semaine que nous partageons au côté de Llewyn ne sera qu’une sorte de « cycle » infini, ce qui aura donc pour don de donner une redondance au récit. Ainsi, que Llewyn prenne le métro ou bien la route pour filer loin, il reviendra toujours sur place, à New York. C’est un personnage qui n’avance pas, ne sait pas prendre de décision. Une fois sur la route, il ne tournera donc pas en direction de la ville où habite un fils dont il vient juste d'avoir vent de l'existence.
D’ailleurs, on pourrait également faire la même remarque à propos du fameux magnifique chat du film : lorsqu’il s’échappe de l’appartement et que Llewyn s’occupe de lui, il finit à nouveau par fuir, avant de finalement revenir chez ses propriétaires originels. La seule différence étant que Llewis n’a pas de maison bien à lui..
Au milieu du film, Lewis prend la voiture en direction de Chicago, accompagné du vieux et souffrant Roland Turner, et de son valet Johnny Five. Turner est obèse, barbu et s’habille classe. Il parle sans arrêt. Il est montré sous un visage très antipathique : il rabaisse Llewyn en critiquant sa musique, se moque de lui. C'est John Goodman qui l'interprète. Mais attention John, la caricature n'est plus très loin..
Ce passage est une sorte de parenthèse dans le film, qui devient une sorte de road-movie, mais Davis est toujours aussi poisseux: Turner est victime d’une attaque, et la police vient peu après arrêter Johnny Five. C’est aussi le moment où Llewis fera ses adieux au chat, non sans regrets.
Le film s’achève en reprenant la scène d’intro, à quelques détails près. Ainsi, on voit la dernière chanson qu’interprète Lewis à son concert. Les paroles de la chanson sont limpides pour nous, maintenant que nous connaissons son « histoire ». Avant de sortir du bar, il aperçoit un jeune homme sur la scène : Bob Dylan. Un homme qui aura une destinée tout autre..
N'oublions pas le beau travail sur la terne photo du film, à l'image de la destinée de notre héros.
Pour résumer, Inside Llewyn Davis, c'est l'histoire d'un mec qui n'avait pas de chance, et dont la meilleure rencontre sera celle avec un chat roux, sous fond de musique folk. Et c'est surtout Oscar Isaac, parfait dans ce rôle.