Llewyn est un gallois-italien catapulté dans le New-York des années 60, avec pour seule arme sa guitare folk. Il dort tous les soirs dans un canapé différent, au gré de ses rencontres et des amis qui daignent l'accueillir. Mais ne croyez-pas que ça l'inquiète, Llewyn ne craint pas l'avenir. En vérité, embarqué dans le métro avec un chat qui n'est pas le sien, et supportant de sa démarche gauche l'hiver sans pouvoir s'acheter un par-dessus, Llewyn a tout du type bien, à la vie bohème.

Mais derrière le masque connu du musicien miséreux, Llewyn cache un caractère peu sympathique, incapable de gratitude, capable d'envoyer promener tout son entourage le temps de quelques jours: surtout, Llewyn est un lâche. Il s'obstine à croire que la vie ne lui a rien offert et ne lui offrira rien; aussi refuse t-il de voir l'enfant d'une grossesse qu'il croyait avortée, en oubliant aussi que sa voie est celle peut-être de la mer. Llewyn est le looser magnifique, épaulé par une déveine sans fin et une constante incapacité à mûrir.

La seule chose pour laquelle Llewyn se passionne, dans laquelle il gagne sa vie misérablement mais en s'épanouissant, c'est la musique. Mais à nouveau, le hasard voudra qu'il ne fasse pas fortune, par manque de chance autant que de talent. Celui qui sortira de cette (épique) époque folk, c'est Bob Dylan, le petit gars qui passe juste derrière Llewyn. Pas de chance, c'était pas loin.

Ainsi l'oeuvre des Coen réussit le tour de force imparable de changer son macabre habituel en petite mélodie tragique; émaillé des situations cocasses et de réparties incendiaires, "Inside Llewyn Davis" dégage une mélancolie incroyable, à travers l'histoire de ce musicien, qui a vécu pour son art en se sachant mauvais, délaissant malgré cela tout ce qu'il aurait pu être. D'un tempérament insoucieux, Llewyn finit par être abimé par la vie: on le raille autant qu'on le plaint, à voir avec quelle énergie il chante.

Arrivent ainsi comme des soleils malheureux ces moments beaux à pleurer, servis par une photographie et des cadrages lumineux. Isaac Oscar y est déchirant de malheur, aussi bon que le reste du casting, toujours à contre-emploi mais d'une miraculeuse crédibilité (Carey Mulligan en tête). Le non-sens de la vision coenienne de la vie trouve de formidables interprètes, pour ce qui restrera un hommage à une époque, une philosphie folk, autant qu'un portrait doux-amer du desespoir errant.
Pirlito
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le 7 nov. 2013

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