Sommeil Trompeur

Je l'ai cherché un moment ce petit film fantastique américain. Primé à Gerardmer, quelques critiques élogieuses par-ci par-là, mais pas très facile à choper malgré quelques diffusions à la TV à des heures perdues sur des chaînes diverses.

Et pourtant il est très bien ce petit film, mais il est peut-être un peu trop particulier. Y'a une ambiance spéciale, une volonté de laisser des zones d'ombres sur l'histoire, l'ouverture pose d'emblée le ton. Jeff Daniels, seul dans son lit, des valoches impressionnantes sous les yeux, contemple un trou béant dans le plafond de la chambre d'où s'écoule goutte à goutte de l'eau. Il se rends compte que sa femme n'est pas rentrée, commence à s'inquiéter et depuis sa maison se décide à passer des coups de fil pour la retrouver, sans succès.

L'intrigue rappelle évidemment le long roman du même nom écrit par Stephen King, en beaucoup plus minimaliste et avec une ambiance plus simple, plus feutrée. Ed Saxon reste cloîtré dans sa maison, communique avec l'extérieur la plupart du temps par l'intermédiaire du téléphone à tel point que les quelques rencontres à la porte d'entrée sont comme des intrusions dans la bulle du personnage. Et puis à mesure que la police apporte des éléments de l'enquête, la maison se détériore, le personnage se comporte de plus en plus bizarrement jusqu'à en avoir des hallucinations un peu à la manière d'un Silent Hill, dont un unique flashback remarquablement bien placé et plutôt perturbant. Les murs se gondolent sous l'humidité alors que la tuyauterie se fend jusqu'à inonder la cave, le piano se met à jouer tout seul dans le bureau de sa femme.

Le plus flippant dans tout ça c'est que ça ne cherche pas à faire sursauter. Tout est très feutré, quasiment sans musique ajoutée mais avec un environnement sonore omniprésent et très important dans l'illustration de la folie d'Ed Saxon, la maison devenant la représentation de l'univers qu'il se crée. Y'a plein de plans de miroirs, ou avec des portes de placard qui cachent une partie de l'écran où le jump-scare aurait été tentant mais non, le réalisateur est assez malin pour les éviter. On reste dans la confusion ouatée dans laquelle surnage le personnage, qui s'empêtre de plus en plus dans son délire, la cave de la maison, dédale de tuyaux et de recoins sombres pleins de bouquins décrépis imbibés d'eau, semblant être l'antre de la folie.

Jeff Daniels (difficile à première vue de l'imaginer autrement qu'avec Jim Carrey et une diarrhée monstre mais heureusement il a un vrai talent pour jouer les dépressifs, ce que j'avais découvert par hasard dans le récent The Lookout où il campait un aveugle) se montre à la hauteur pour incarner ce personnage paumé qui s'autodétruit à coups de somnifères surpuissants qui ne fonctionnent même pas. La frontière entre rêve et réalité est faible, et elle s'amincit de plus en plus à mesure que le temps passe. Jusqu'à la fin, explicite mais ouverte. Et un peu déprimante, je l'avoue.

Bref, un petit ovni qui à le mérite de sortir des carcans habituels de l'horreur.