Enfin un grand policier français!
Loin des fades, monocordes et répétitifs Navarro, Lescaut et autres poulets mayo, voici enfin un fin du fin: l'Inspecteur Lavardin!
La force de ce film, c'est avant tout son protagoniste, sorte d'Inspecteur Harry à la française, plus verbal cependant, incarné par un Jean Poiret mémorable qui condense en lui les talents de Curtis-Roux pour composer un Lavardin très proche du Dany Wilde d'Amicalement vôtre.
Moqueur, taquin, railleur, cynique, il apparaît comme un bulldozer verbal dans un jeu de convenances ironique à souhait: on est loin du réalisme bas de gamme et du politiquement correct des séries policières de TF1 et consoeurs.
Car là, on a des vrais causeurs! Et pas des moindres!
Chabrol égale presque Audiard dans les dialogues de ce film, furieusement drôles et décomplexés.
Décomplexés aussi Poiret, Bideau et surtout Brialy en homosexuel fana des yeux de verre, donc de l'artificiel.
Car, oui, le thème principal est celui du vu / pas vu et de l'artificielle surface des êtres. Artifices et secrets que Lavardin s'amuse à découvrir sans ménagement pour le plus grand plaisir des spectateurs.
Les morts ne sont pas morts, les écrivains ne sont pas des écrivains, les jeunes filles sages "passé minuit se change[nt] en courant d'air" et victime et coupable ne sont pas ceux que l'on pense! Ce qui fait de cette nouvelle enquête de Lavardin un quasi Pas de Printemps pour Marnie plus français, plus brutal et bien plus aigri.
Tous passe par les yeux en verre, fausses expressions, et par les cassettes vidéos secrètes: tout le monde a vu mais tout le monde se tait. Admirables métaphores!
Hélas, au beau milieu de ce festival de belles choses, certaines sont à déplorer.
La musique qui sonne comme celle d'un drame ou d'une tragédie et qui tranche voire jure avec la tonalité plus complexe du film.
Jean-Claude Brialy, bien meilleur jeune comme dans Carambolages ou Le Diable et les dix commandements (au bon temps où il donnait la réplique à De Funès!), joue ici comme il peut, un brin essoufflé, porté par les excellents dialogues.
Il n'est pas le seul d'ailleurs a avoir mal vieilli car le message drogue et jeunesse ainsi que l'accessoire cassette-vidéo / télé gros cube nous ramène très loin dans le temps, plus avant que 1986, sa date de sortie.
Enfin, Bernadette Lafont semble s'ennuyer ferme dans un jeu qui manque cruellement d'intention et de foi.
Mais cela ne suffit pas à entacher l'ensemble plutôt agréable et divertissant.