SPOILER ALERT, NE LISEZ PAS CE TITRE: 12 mondes habitables...euh non trois finalement...

Bon ben voilà, tout est dit. Pour développer un peu, j'ai toujours eu beaucoup de sympathie pour les gens qui se font dépasser par leur ambition; c'est un syndrome de plus en plus courant au cinéma, qui s'inscrit dans une histoire finalement assez courte, ou le dépassement des limites est un mode de construction qui a longtemps visé à transformer le spectacle en art, sans jamais y parvenir totalement.
Je ne prétend pas qu'il n'y a pas un art du cinéma, mais que ce n'est pas la seule chose qui définit le cinéma. Malheureusement pour Christopher Nolan, s'approcher de trop près des moyens financier qui permettent aujourd'hui de produire et distribuer un film avec les moyens de dépasser les limites du médium, c'est immanquablement se confronter au réalisme du capital qui réclame inexorablement son retour sur investissement; et donc, la réduction des ambitions artistiques à la nécessaire rentabilité du produit.
Ainsi, l'introduction/ description de l'avenir assez réaliste que le mode actuel de production et de consommation engendre est effacé derrière une durée formatée et un habillage sentimental qui prend le dessus sur la description. Non que la relation père/fille soit un artefact accessoire du film: c'est un excellent sujet en soit; mais ce sujet central est lui-même souvent fort légèrement traité, avec des raccourcis, des non dits, des hors champs qui laissent certes au spectateur le loisir d’interpréter, mais qui aussi un sentiment de montage à la serpe, soit à l'écriture du scénario, soit au montage à proprement parler, là encore, pour des raisons de réalisme (on est au cinéma, pas dans un musée qui peut se permettre de diffuser des films de 6h).
De même, les postulats scientifiques seraient moins ridicules s'ils étaient un peu plus développés, au risque de rebuter la majorité des spectateurs; la littérature "hard science" se permet ces choix, alors qu'elle trouve son public.
Enfin, le titre de ma critique: je suis un amateur de science fiction, et quand on me promet un voyage interstellaire à la recherche de nouveaux monde étrange, mes yeux brillent d'envie, mon imaginaire se met en marche: cette planète aux vagues immenses où on ne passe que 20 minutes, tout ça parce que ça fait soit disant 5 ans sur terre, c'est encore une façon un peu maladroite de dire que la production a ses raisons que le public ignore. Cette planète froide aux nuages figés est proprement impressionnante. Mais elle n'est le décors que d'une rixe pathétique qui met à nouveaux en scène le réalisme contre l'idéalisme -résumé en "amour" pour ne pas rendre le discours trop politique- d'une manière un peu puérile et limitée.
Ceci dit, les images sont belles, les robots/monolithes noirs sont un clin d' œil magnifique à la référence du genre, mais le voyage mystique final est carrément trop terre à terre. Le passager ne quitte jamais son cours, avec sa propre gravité, ni sa propre temporalité, ni son scaphandre. Comme le spectateur, il ne retire rien de cette expérience qu'une représentation lointaine d'une notion scientifique très poétique mais très abstraite.
Quand à la théorie des cordes, elle ne sert qu'a représenter grossièrement une idée un peu fumeuse, ou la gravité est la force physique surpuissante qui domine même le temps, sous la forme de rubans semi-matériels, ce qui, finalement, confirme l'idée qu'on aurait mieux fait de rester chez soit...
suitaloon
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le 13 nov. 2014

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suitaloon

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