Une critique d'Interstellar toute en éloge et en spoilers...

INTERSTELLAR de Christopher Nolan. Voilà un film... dont je me foutais éperdument au départ.

Le film que j'attendais le plus cette année était X-Men : Days of Future Past de Bryan Singer (et Jupiter Ascending des Wachowskis, mais il sortira finalement en 2015, donc j'attendrais encore un peu). Mais au fur et à mesure que l'année passait, je me suis surpris à regarder le teaser (puis la bande-annonce avec la musique de V pour Vendetta) en boucle, tant je les trouvais stylées et prenantes. J'ai entendu pas mal de personnes critiquer ces bandes-annonces en disant qu'il n'y avais rien d'intéressant dedans. Et de façon surprenante... je suis entièrement d'accord avec ces personnes. Il n'y a rien (ou presque) de véritablement original dans ces vidéos ; mais c'est justement pour cela qu'elles me captivaient : non pour ce qu'elles montraient, mais pour ce qu'elles ne montraient pas, pour ce qu'elles cachaient ; elles semblaient nous dire « ce que vous voyez n'est qu'un préambule à la claque que vous allez prendre). De plus, elles avaient des musiques géniales, mais j'y reviendrais plus tard.

J'ai attendu quelque temps avant d'aller voir ce film, j'ai été frustré pas mal de fois car je voulais y aller et finalement je n'ai pas pu, bref, ce fut laborieux. Et enfin, il y a quelque jours, j'y suis allé, dans une salle un peu vide (en même temps le Hobbit vient de sortir) et je me suis interstallé (oups ! Pardon : je voulais dire « installé ») sans pop-corn, devant l'écran géant. Et là... je vais arrêter de raconter ma vie, car je sens que ça ne vous intéresse pas. Donc, parlons du film.

Eh bien, il est somptueux. J'ai l'impression, qu'ici, Nolan a mélangé 2001 : l'Odyssée de l'espace, Solaris, The Tree of Life et Sunshine, en prenant le meilleur de ces films, et en insufflant au sien un souffle, une âme et une atmosphère qui n'appartient qu'a lui. Donc, évidemment, je vous encourage à risquer le visionnage.

La partie sur Terre est assez stupéfiante. Une atmosphère post-apocalyptique y est montrée avec une incroyable sobriété, un peu comme l'avait fait Alfonso Cuaron avec Les Fils de l'Homme, quoique de façon très différente. Ici, par des reportages, une façon de filmer et des dialogues très bien écrits, Nolan nous fait réaliser que la fin est proche, que le monde va bientôt sombrer dans « cette douce nuit » qu'évoque le poème de Dylan Thomas, ce dernier marquant tout le film de sa présence. Sans compter quelque scènes comme la poursuite en voiture du drone indien, que j'ai trouvé géniale et particulièrement bien filmée. Rien que pour cela, ce film doit être vu et remporter le plus grand des succès.

Cependant, il n'est pas facile d'accès. J'en suis totalement conscient. Et curieusement, j'ai ressenti cette espèce de blocage dû au « trop-plein » de discours scientifiques. Toute la partie qui va du moment de la découverte de la base de la NASA jusqu'au passage dans le trou de ver, m'a fait un peu décrocher du film, ce qui fait que je n'ai pas beaucoup retenu ce qui se passe à ce moment de l'histoire (malgré quelque fulgurances, comme la présentation du robot, le départ de Cooper et le décollage de la fusée).

Mais là où le film devient réellement brillant, c'est lorsqu'il entre dans le côté « aventure exploratrice de l'espace », un peu comme 2001, mais aussi L'étoffe des héros. Les planètes explorées, les lieux rencontrés sont géniaux et les décors, magnifiques. Toutes les scènes se déroulant dans l'espace sont d'une beauté visuelle incroyable, Gravity n'est pas grand-chose en comparaison (d'ailleurs, ce dernier a entièrement été tourné sur fond vert, alors qu'Interstellar a été tourné en décors réels, en privilégiant au maximum les effets spéciaux traditionnels, avec des maquettes et des décors naturels). Les scènes dans l'espace alternent le spectaculaire et l'intimiste, particulièrement lors du voyage vers les planètes. Et surtout, SURTOUT... ce passage dans le trou de ver est complètement extraordinaire, brouillant les dimensions que nous connaissons pour un rendu visuel incroyable.

Mais le mieux reste à venir avec ce passage dans le trou noir, impressionnant visuellement et philosophiquement : cette espèce de lieu pluridimensionnel inouï. Jamais je n'ai vu ça, y compris dans des films comme 2001 ou Inception. Incroyable. Certes, Nolan explique tout cela grâce à des dialogues, mais c'est dans le but de clarifier et non de faire apparaître une évidence. C'est brillant.

En cela précisément, je pense que le film tout entier est un hymne à la découverte, à l'étonnement au sens philosophique du terme, c'est-à-dire l'émerveillement devant la beauté de l'univers. C'est en cela que consiste l'accomplissement de l'humanité, en cela qu'elle atteint sa finalité ; et c'est parce que l'homme se contente de regarder « sa place dans la poussière » au lieu de regarder celle qu'il a « parmi les étoiles » que l'humanité s'éteint. Quelque chose qui m'avait beaucoup fait rire quand j'ai vu le film, c'est quand le prof dit à Cooper, au début du film, que les hommes ne sont pas allés sur la lune ; c'est tellement brillant comme idée ! Non seulement c'est drôle (ce genre d'idées étant plutôt du registre de la théorie du complot aujourd'hui), mais en plus ça souligne l'idée selon laquelle, implicitement, l'humanité se meurt car elle est restée sur Terre, dans un monde purement immanent, sans chercher à avoir plus, à trouver plus, à contempler plus.

Le film est aussi une déclaration d'amour à... l'amour. L'amour sous toutes ses formes : l'amour amoureux, l'amour de ses enfants, l'amour pour ses parents... et surtout, l'amour en général. Mais ça pourrait tomber dans la niaiserie la plus stupide ; or, Nolan, par un habile dosage des scènes émouvantes, rend tout cela profond et beau à voir. On est réellement ému par le départ de Cooper de sa famille, le visionnage par Cooper des vidéos de sa famille et... tant d'autres scènes tout aussi belles, dont je ne vais pas parler ici afin de ne pas vous donner la tentation de vous spoiler. Alors je sais, pas mal de personnes ont dit que la définition quantitative de l'amour était assez difficile à avaler ; néanmoins, je pense que c'est pour signifier que l'amour est quelque chose de concrès, ayant une influence, par l'action des hommes, sur la réalité ; l'amour n'est pas qu'une vague idée planant au-dessus de nous, c'est quelque chose de presque matériel, d'incarné.

Enfin, le film parle du temps. Le plus grand ennemi selon Christopher Nolan, il est présent partout et c'est contre lui que se jouera une bonne partie de l'action du film et ce malgré un ennemi assez réussi joué par Matt Damon. Mais paradoxalement, il est extrêmement faible, Cooper déclarant que le temps est relatif, appuyant ici la théorie de la relativité restreinte. Et c'est alors que l'homme se « divinise » en quelque sorte, en dépassant le temps et l'espace.

Mais ce film ne serait rien sans une musique sublime, composée par Hans Zimmer, ici un peu influencé par Phillip Glass (compositeur de la Bande-originale de « Koyaanisqatsi »), mais en même temps, tout artiste est forcément inspiré par un autre, et par conséquent, cela ne me semble pas suffisant pour dénigrer le travail de Zimmer. Sa BO est parfaite, représentant aussi bien l'atmosphère de fin du monde que la fascination de la conquête spatiale. J'aurais bien aimé entendre la musique que l'on peut écouter ici et dans la dernière bande-annonce (et dont voici un lien : https://www.youtube.com/watch?v=0iteQE7KEyU) mais en fait, ce n'est même pas une déception, je ne m'en suis rendu compte qu'après la séance et les musiques de l'ami Hans la valent largement.

Je suis parfaitement conscient que cette analyse est trop superficielle. Je ne me sens pas capable de parler davantage de ce film, donc je vais cesser de tenter d'aller dans ce sens. Mais je me contenterai de dire qu'il m'a transporté malgré quelques défauts. À la fin de la séance, j'ai applaudi, mais surtout, j'étais un peu vide, comme si je ne m'étais pas remis de mon visionnage. Et puis je me suis dit qu'il serait difficile d'aller voir le Hobbit après une telle claque (mais j'y irais, et avec un grand plaisir). Christopher Nolan s'était taillé avec ses films une place parmi les légendes du septième art, et je pense qu'avec ce film, il côtoie les plus grands. Alors profitons-en tant qu'il est encore en vie.
CréatureOnirique
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le 14 déc. 2014

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