Into the Woods – Promenons-nous dans les bois · L'avis de Shin

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Je serais assez malhonnête en affirmant que Into the Woods – Promenons nous dans les bois est un projet que j'abordais avec un réel enthousiasme. Déjà, je me rappelle très bien du dernier film intitulé Promenons-nous dans les bois que j'ai vu – le navet de Lionel Delplanque avec Clotilde Coureau et François Berléand – et il n'y avait franchement pas de quoi être euphorique. Surtout, je me souviens encore mieux de la filmographie de Rob Marshall, et il y avait VRAIMENT de sérieuses raisons de s’inquiéter. Réalisateur du plus faible épisode de Pirates des Caraïbes (déjà avec Johnny "je continue à torpiller ma carrière" Depp, et déjà produit par Disney), celui-ci est aussi l'auteur de deux bien piètres adaptations cinématographiques de comédies musicales à succès ; Chicago qui n'était déjà pas franchement mémorable, et Nine que tout le monde a préféré oublier. Non content d'avoir déjà flingué nos oreilles par deux fois, Rob Marshall persiste et signe donc cette nouvelle calamité "musicale" estampillée Disney se réclamant des contes des frères Grimm et de Charles Perrault, autant que de la Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim. Ce dernier point étant probablement dû à un excès de fumette de Stephen Sondheim et James Lapine – auteurs de la comédie musicale originale diffusée à Broadway depuis 1986 – qui citent volontiers le psychanalyste américain comme source d'inspiration, tant ce aspect semble totalement imperceptible à l'écran. Bon, vu que Rob Marshall déclare carrément avoir été inspiré par Barack Obama en personne après l'avoir entendu dire aux familles des victimes du 11 septembre « vous n’êtes pas seuls… aucun d’entre nous ne l’est » (sic), on se dit que, oui, ça devait être de la sacrée bonne came.


Si les célèbres personnages popularisés par les frères Grimm et de Charles Perrault sont bien de la fête (donnant parfois l'impression d'être devant une sorte d'Avengers du conte de fées), le traitement rachitique des personnages et le manque globale de cohérence nous amène à un résultat hautement pitoyable et caricatural. La blonde – c'est-à-dire fade au sourire niais en langage Disney – Raiponce et la brune – chiante qui ne sait pas ce qu'elle veut – Cendrillon se font donc courtiser par deux Princes Charmants bellâtres interchangeables – aussi beaux gosses qu'ils sont crétins et imbus de leur personne. Tandis que le pédophile Loup pervers (Johnny Depp, égaré d'un obscur Tim Burton) pourchasse l'agaçante Petit Chaperon Rouge ; celle-ci se faisant dragouiller par l'insupportable Jack (ces deux-là agissant systématiquement de façon imbécile et égoïste, mais ce ne sont que des enfants alors ça passe) ; et celui-ci dépouillant sans vergogne le monde des Géants (mais ils le méritent car ce sont des méchants, comme tous Géants qui se respectent). Pendant ce temps-là, un pauvre Boulanger joufflu (peureux mais gentil) et sa Femme enceinte (un peu trop belle et rousse pour ne pas agir stupidement avant la fin de l'histoire) doivent récupérer les quatre objets les plus puissants de l'univers – à savoir : l'Arche Perdue, le Saint Graal, l'Anneau de Sauron et les Dragon Balls... hum, une capuche, une mèche de cheveux, une godasse et une vache laitière – pour sauver leur enfant à naître de la terrible malédiction lancée par la Sorcière très méchante qui fait des tours sur elle-même et chante plus fort que Maître Grims lorsqu'elle se vénère (en plus, elle est moche, et donc très méchante). Enfin, c'est surtout pour servir de prétexte, ô combien brillant pourrave, afin de lier toutes les histoires entre-elles, en fait...



« Promenons-nous dans les bois, pendant que le Loup n'y est pas... » (air connu)



Bon, vous l'aurez compris, le scénario est un effroyable foutoir, rédigé n'importe comment, qui fait se rencontrer les personnages comme bon lui semble en dépit de tout sens logique (à moins que la forêt ait la même superficie qu'un studio parisien) et ne semble même pas savoir dans quelle direction aller ; au point de nous glorifier d'un étrange faux happy-end aux deux tiers du film, avant de s'engouffrer dans le hors-piste le plus nawak (faisant alors totalement disparaître de l'équation une Raiponce qui ne servait de toute façon pas à grand chose et poussant la Femme du Boulanger à réagir soudainement de manière aussi stupide et qu'improbable). Pauvre au niveau de l'écriture, Into the Woods l'est aussi en ce qui concerne son esthétisme résolument kitsch (avec des costumes et maquillages outranciers donnant plus l'impression d'être devant une captation filmée que face à un véritable long-métrage de cinéma) et hideux (Johnny Depp s'étant fait cette année – semble-t-il – une spécialité, après l'affligeant Charlie Mortdecai, des rôles à moustache ridicule). Manquant singulièrement d'imagination, le long (bien trop long) métrage donne surtout l'impression d'être en présence d'un seul et même décor en carton-pâte du début à la fin... On passera rapidement aussi sur cette affreuse voix-off sans relief – dire que Jeremy Irons, James Earl Jones, John Cleese, Michael Caine ou encore Alan Rickman ont un temps été envisagé (ça aurait eu une autre gueule, c'est sûr !) – et ses effets visuels douteux – la scène de la Géante s'approchant de la ville miniature évoquant davantage Chérie, j'ai agrandi le bébé ! que Le Seigneur des Anneaux. Mais, en dépit de tous les défauts précédemment cités, et malgré un casting plutôt prestigieux – Meryl Streep, Johnny Depp, Anna Kendrick, Emily Blunt, Chris Pine – largement sous-exploité, ce qui choque le plus à la découverte de ce film musical, c'est surtout l'incroyable chiantitude de sa bande originale... Un comble.


À l'instar de l'autre cauchemar auditif de 2013, Les Misérables, les pauvres âmes de Into the Woods semblent avoir été touchées par la même malédiction les poussant à chantonner constamment, sans la moindre raison. Même lorsqu'ils se parlent. Même juste pour savoir si la soupe est assez chaude, si ça ne manque pas un peu de sel quand même, ou si la récolte de courgettes sera bonne cette année... Ils chantent. Tout le temps. Mais vraiment tout le temps. Nom de dieu de putain de bordel de merde de saloperie de connard d'enculé de ta mère ! (Mérovingien ©). Ils chantent encore et encore sur des paroles horribles, sur des phrases insignifiantes (en fait surtout de vulgaires dialogues emberlificotés à la va-comme-j'te-pousse-et-on-verra-bien-c'que-ça-donne), pour se plaindre, pour évoquer le souvenir d'un être perdu. Mais toujours de façon hyper joyeuse, hein ! Attention, c'est important. On est chez Disney, quand même ! Le monde est plus marrant, c'est moins désespérant, en chantant... (et en plus ce tocard m'oblige à citer du Michel Sardou !). Des chansons, toujours des chansons – oui, il vaut mieux être très (très) fan des comédies musicales à la base ! – qui s'emmêlent les unes aux autres sans qu'on ne parvienne à les distinguer franchement entre elles. C'est là qu'on se dit que les séquences parlées non chantées, c'est quand même bien pratique pour s'y retrouver. De telle sorte que, à la longue, le film de Rob Marshall ne semble être rien d'autre qu'une longue litanie de mots enchaînés les uns aux autres sur une même mélodie mièvre bien rentre-dedans et hyper entêtante (le titre Into the Woods pouvant dès à présent prendre la place du Let it go de La Reine des Neiges pour faire craquer les détenus à Guantánamo). Au milieu de cette horreur, peu de choses à sauver donc ; si ce n'est un court passage plein de second degré (involontaire ?) avec Chris Pine – décidément doué dans l'exercice auto-parodique – clamant non sans ironie – et avec une très grande lucidité pour le spectateur – toute l'ampleur de son "agoniiiiie"... Au secours.

Shinémathèque
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le 16 févr. 2015

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