Can't touch this

Une grosse caisse qui doit coûter bonbon file sur le périph... Des flics interviennent toutes armes dehors pour un simple excès de vitesse... Pas de doute, nous sommes dans une production Besson !
Et puis en fait non. Le film sort majestueusement de son incipit débile pour proposer une authentique histoire d'amitié virile, lente et touchante.

Tout a déjà été dit sur ce succès de l'année, de la dramaturgie béton aux interprétations sans faille, ainsi que le terrifiant caractère Case de l'oncle Tom de la situation. Oui, oui, ça a été dit.

Pour ma part, le seul tort que je concède au film c'est que le rapport à l'argent est survolé. Omar devrait être grassement payé pour sa nouvelle position sociale, et c'est à peine évoqué. De même, quand il rend le Kinder-Fabergé à la fin, c'est bien trop tard. Tout le monde s'en fout à ce stade du film.
Et puis j'aime pas la scène de l'Opéra. C'est bien gentil de vouloir prendre Pretty Woman à contrepied, mais quand on voit la scénographie du machin on ne peut que glousser. Ça fait pas vraiment choc des cultures. Même un Opéraphile-partouzeur-de-droite serait mort de rire devant ce spectacle, faut pas déconner !

Autrement, je trouve que la mayo prend. Cluzet a la moutarde, l'œuf et l'huile et Omar s'est chargé d'apporter les frites. Le film affiche une éternelle bonhommie, même dans les scènes qui auraient pu sombrer sans effort dans le lacrymal bon marché.

Et il y a quelque chose dont personne ne parle. Ce que je trouve révoltant. La photo du film est somptueuse. Déjà chef opérateur du meilleur Jacques Audiard, Mathieu Vadepied met fin à près de vingt ans de règne de la "photo à la comédie française". Depuis 1993, personne n'y coupait : les grosses comédies étaient calquées sur Les Visiteurs. Un scope à moitié utilisé donc complètement inutile, une lumière presque exclusivement frontale et chatoyante, et des gros plans en courte focale pour faire rigoler les enfants.
Intouchables arrive avec une texture radicalement différente, n'a pas peur du clair-obscur, des tungstènes la nuit, de laisser respirer les acteurs en ne leur collant pas l'objectif dans la gueule...

Cet air frais fait du bien.