Invasion
6.8
Invasion

Film de Hugo Santiago (1969)

"Brilliant uchronic and paranoid thriller"
Ce sont les quelques mots laissés par notre Limguela national sur le site anglophone iCheckMovies. C'est cette phrase qui m'a poussé à voir le film, proposé sur MUBI en ce mois d'août 2020 dans le cadre d'une rétrospective sur le festival de Locarno.


Après visionnage, je dois dire que je ne peux qu'être en désaccord total avec cette analyse:



  • Uchronique ? Il est vrai qu'on n'a pas beaucoup d'indicateurs de temps ni de lieu dans ce film si ce n'est "Aquilea, 1957", une ville "imaginaire". Mais je pensais voir dans sa plus pure forme la lutte pour une idéologie et sa défense coûte que coûte alors qu'en fait on ne nous présente que deux camps de bandits indéfinis (les uns en costumes sombres et les autres en costumes clairs) se pourchasser les uns les autres avec tous les attributs de la pseudo-virilité propre à la "gangster way of life" du 20ème siècle: voitures, pistolets, costumes, cigarettes tout y passe; cela rappelle à certains moments l'esthétisation à extrême des malfrats de Peaky Blinders. La "Milonga de Flores" (signée Borges, ce qui fait tout de suite plus intellectuel que Peaky Blinders, mais qu'on ne s'y trompe pas) chantée au milieu du film dit bien "Para los otros la fiebre, y el sudor de la agonía y para mí cuatro balas cuando esté clareando el día [...] Mañana vendrá la bala, y con la bala el olvido, lo dijo el sabio Merlín, morir es haber nacido", ce qui laisse à penser que selon Borges, la seule façon honorable, courageuse de vivre c'est de se battre "comme un homme" (quand le jeune garçon se joint à la fusillade sur l'île, on s'offusque qu'il se prenne pour un homme) et de mourir en se faisant transpercer le poitrail.
    Aucune réflexion politique intemporelle à l'horizon donc.


  • Paranoïaque ? Je vais en rajouter une couche mais il n'y a aucune paranoïa. Les gentils sont bien définis, ce sont ceux qui portent un costume sombre, qui se baladent toujours le pistolet à la main pour abattre froidement ceux en costume clair et qui élaborent des plans compliqués que les femmes et le petit peuple d'Aquilea qui ne bouge pas le petit doigt (en tout cas pas sur la gâchette...) ne peuvent pas comprendre. Il y a confrontation inéluctable pendant tout le film jusqu'à ce que les gentils en costume sombre ne soient plus assez nombreux.



Bref, je ne suis pas en train de théoriser de l'utilité ou non de faire de la résistance armée lors d'une "invasion" mais je constate juste que le film fait du romantisme exacerbé sur cette manière d'agir sans se préoccuper nullement du reste, avec de surcroît un zeste de supériorité morale auto-proclamée qui est d'assez mauvais goût. Le film a le tort en plus d'être assez désincarné puisqu'il se voudrait effectivement uchronique donc on se fout éperdument de ce qu'il advient aux personnages.

kirigrap
3
Écrit par

Créée

le 7 août 2020

Critique lue 164 fois

kirigrap

Écrit par

Critique lue 164 fois

D'autres avis sur Invasion

Invasion
nolwenn_chauvin
7

Critique de Invasion par nolwenn_chauvin

Une poignée d'hommes organise la résistance d'une ville face à une armée d'hommes qui la cernent avant de l'envahir. Les uns après les autres ils tombent, mais la relève s'arme. Film perdu, puis...

le 22 juil. 2012

6 j'aime

Invasion
thomaspouteau
8

Les Justes

S’il est une œuvre cinématographique propre à l’Argentine décrite comme étant culte, il s’agit bien d’Invasion, le premier film réalisé par Hugo Santiago en 1969 alors que le pays est entré dans une...

le 15 janv. 2021

1 j'aime

Invasion
Limguela_Raume
9

Amerasion

Thriller paranoïaque opposant une organisation secrète de résistance et des envahisseurs déjà trop bien acceptés par une population amorphe. Film quasi muet dans lequel les dialogues ne servent qu’à...

le 3 janv. 2019

1 j'aime

Du même critique

Un roi sans divertissement
kirigrap
6

Critique de Un roi sans divertissement par kirigrap

Je ne sais plus qui disait - peut-être Juan Asensio ? - que celui qui n'évoquait pas le bien et le mal au cinéma était un cochon. À cet égard, Jean Giono et son réalisateur François Leterrier...

le 21 oct. 2015

4 j'aime

1

Ce répondeur ne prend pas de messages
kirigrap
5

Critique de Ce répondeur ne prend pas de messages par kirigrap

Il est bien mal aisé, après avoir regardé "Ce répondeur ne prend pas de messages", de poser l'acte réducteur qui est le fondement de ce site, à savoir mettre une note chiffrée qui résumera notre...

le 8 oct. 2015

4 j'aime

Matrix
kirigrap
2

Critique de Matrix par kirigrap

J'avais vu quelques secondes de Matrix en VHS chez un ami de mon grand frère peu après sa sortie et ça a suffi à me le rendre un peu mythologique dans ma tête - mythologie entretenue par la...

le 13 mars 2019

2 j'aime

1