Après s’être fait remarquer avec l'efficace Upgrade, Leigh Whannell propose une relecture du roman d'H.G. Wells pour le compte de BlumHouse.


Ouvrant sur une évasion silencieusement tendue, l’auteur défini efficacement la situation dans laquelle se trouve notre protagoniste. Une courte ellipse nous permet de retrouver Cecilia dans son nouvel environnement. Nous assistons dans un premier temps à sa tentative de reconstruction d’un semblant de vie malgré les traumatismes subits. Nous avons ainsi le temps de comprendre comment cette femme s’est retrouvée dans cette relation toxique et les liens l’unissant à son entourage.
Une fois cette base assimilée, le réalisateur injecte lentement une présence menaçante dans ce nouveau quotidien. Cette dernière est suggérée via les mouvements de caméra ainsi que par la réaction de notre personnage principal. Les péripéties vont permettre de comprendre la nature du danger tout en plongeant Cecilia dans une spirale infernale où personne n’en réchappera indemne.


Là où nous avons l'habitude de suivre l'Homme Invisible dans ses tourments tout au long de l’histoire, l’entité se retrouve ici être la menace indicible du personnage principal. Cette inversion de point de vue donne une autre dimension à cette créature. Habituellement, de l’empathie se développe pour l’Homme pour ensuite être mis à mal lorsqu’il commet des actes répréhensibles.
Dans le cas présent, nous ne connaissons cet être qu’à travers la perception de l’héroïne. Il est immédiatement catégorisé comme méprisable et toxique. L’ensemble des événements ne feront que confirmer cette impression initiale.
L’auteur transforme ainsi l'habituelle descente aux enfers d’un scientifique trop ambitieux en un thriller féminin faisant parfaitement écho à une partie des maux de notre société contemporaine.


Cet axe de développement est pertinent et permet de dépoussiérer la mythologie. Malheureusement, l'exécution accumule certains partis pris empêchant d’apprécier pleinement ce potentiel.
En effet, le choix d’adopter un rythme lent est bénéfique dans un premier temps puisqu’il permet de connaître notre protagoniste et son passif. Il devient un handicap lorsque l’auteur rentre dans le vif du sujet. Une fois la menace présente, on aurait pu espérer une accélération de tempo afin d’augmenter la tension des situations. Il n’en est rien. L’auteur opte pour un rythme de croisière où quelques confrontations viendront troubler le calme ambiant.
De ce fait, bien que l’approche sur le sujet soit originale, nous avons tout le temps d’analyser la trajectoire scénaristique de l’œuvre. Or, cette dernière est pour le moins prévisible. Les mécanismes sont convenus et le déroulement des événements n'est guère surprenant.
Seule la quête quant à la nature de la menace permet de tenir en haleine le spectateur, ce qui est bien mince. À cela s'ajoute quelques incohérences notamment sur le dernier acte. Loin d'offrir une conclusion au récit, le final amène énormément de questions quant à la version des faits présentée par rapport à la réalité de ces événements.


En somme, Invisible Man offre une relecture intéressante de la mythologie mais le recours à des mécanismes conventionnelles nous empêche de nous investir pleinement dans cette proposition. Nous nous retrouvons donc avec un résultat frustrant où la forme ne parvient pas à être à la hauteur du fond. En tant que thriller technologique, on préférera Upgrade du même auteur. Pour une adaptation moderne de l'Homme Invisible, Hollow Man reste bien plus intéressant car maitrisé de bout en bout.
Pour son prochain projet, Leigh Whannell se concentre sur un autre monstre d'Universal : Le loup-garou. On ne peut qu’espérer que le tire sera corriger pour cette nouvelle itération.

tzamety
6
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le 22 juil. 2020

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tzamety

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