Les films hong-kongais et chinois ont souvent du mal à entrer dans les salles européennes, mais il a su trouver son public à travers le monde. Les films arts martiaux ont longtemps été une attraction touristique pour adolescents et amateurs de cascades vertigineuses. Depuis, la coordination et la maîtrise du cadre ont permis d’élever le niveau de cet art. Wilson Yip a lancé une saga avec du panache et cette douceur culturelle qui n’a rien à envier aux blockbusters d’Hollywood. Cette fraîcheur s’est un peu dissipée, au fur et à mesure que le personnage clé a vu la caractérisation renouveler, par nostalgie et par respect pour un emblème de la Chine. Les récits continuent d’explorer les thèmes sur l’opposition et l’émancipation d’une nation qui campe sur ses traditions, temple de leur richesse. Avec ce volet inattendu et une conclusion annoncée, il y a un enjeu émotionnel important à ne pas manquer.


C’est ironiquement dans le conflit qu’on trouvera la rédemption souhaitée pour un personnage fort, mais qui également su évoluer avec des cicatrices visibles. Une famille déconstruite amène évidemment à une réconciliation, idéalement en tout cas. Mais le facteur du Wing Chun relance une problématique initiale, car elle représente à la fois ce qui lie un père et son fils et ce qui les éloigne. Et malgré une envie de retourner aux sources se confirme, car après avoir résisté à l’invasion japonaise, à la colonisation britannique et à la loi des rues, le film ne cache pas son ambition douteuse, celle de présenter de nouveau la suprématie américaine. Ce postulat peut donner lieu à des débats plus subtils, mais les poings prennent trop souvent le dessus. La philosophie du combat perd donc en crédibilité et cela depuis les deux premiers opus, car il ne s’agit plus seulement de se battre pour le respect du kung-fu. Le phénomène en devient presque une attraction, à l’image d’un Bruce Lee (Danny Kwok-Kwan Chan) qui a su marier la noblesse de la pratique à des fins plus épicées. Dans cet hommage, le film démontre certainement que le mystique a probablement disparu, mais que l’héritage persiste sous une forme plus offensive.


Oui, nous sommes dans le contrepied parfait, mais logique d’un parcours héroïque. La vieillesse saisit également chaque instant où Ip Man s’avance, non pas avec hésitation, mais avec une fragilité dont on ne pouvait soupçonnait dans le passé. Cela se ressent dans l’ensemble d’une œuvre désorienté et qui en oublie ses propres enjeux. Les combats d’abord, les explications fébriles ensuite. Le caractère bon marché ne manque pas de traverser l’esprit et c’est regrettable de le constater, malgré les quelques bonnes idées de départ, qui n’aboutira jamais dans le bon sens. L’immigration de la culture chinoise est un sujet qui mérite plus de discernement, mais au lieu de cela, un bref discours d’encouragement semble vouloir porter tout le poids d’une injustice et ce n’est clairement pas suffisant. Beaucoup trop de questions restent sans réponse, car la parité ne rend pas le film crédible non plus. Le casting asiatique domine effectivement l’écran, mais au service d’un banal récit.


On ne peut blâmer cette motivation qui enrobe chaque épisode de la vie de « Ip Man » à voir le sacraliser, mais il manque tant de nuances afin que l’on puisse atteindre la profondeur émotionnelle souhaitée. Cet épilogue devrait constituer l’arc narratif le plus fort en termes d’apparence, mais le peu de sensibilité que l’on gagne n’est pas non plus en phase avec une mise en scène passive. Ce clap de fin aura néanmoins permis d’évaluer un choc de cultures, encore persistant de nos jours. Mais pour une meilleure démonstration, il faudra revenir sur quelques pas en arrière, là où le maître a laissé sa flamme pour le combat et son amour pour sa famille.

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le 14 mai 2020

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