Avec ce deuxième long métrage, Trey Edward Shults s’aventure sur la route épineuse du film d’horreur post-apo. Et si la campagne promotionnelle du film laissait présager une bobine trash et tape-à-l’œil, le résultat final lorgne vers tout autre chose…


Cabin Fever


Dans un monde ravagé par un virus inconnu, seuls quelques êtres humains immunisés survivent péniblement, plongés dans la peur et la précarité. It Comes At Night se concentre sur une famille isolée dans une maison au fin fond des bois. Et lorsque cette vie fragile et reculée se voit dérangée par l’arrivée d’une autre famille, la paranoïa et le doute s’installent. Très vite, l’on se rend compte que si Trey Edward Shults choisit de placer son histoire dans un contexte post-apocalyptique, c’est parce que celui-ci est fort propice aux thèmes et sentiments que le réalisateur souhaite aborder.


Après une première scène à la brutalité assez impressionnante, le cinéaste prend le temps de poser son ambiance et ses enjeux avec parcimonie. En maintenant son récit dans un seul lieu clôt, symbole de l’enfermement mental qui gagne peu à peu les personnages, It Comes At Night ne nous dit jamais sur quel pied danser et la pression et la paranoïa n’auront de cesse de croître tout au long de l’intrigue. Le film multiplie les questionnements et les doutes quant à la légitimité de tel personnage ou la véracité de telle ligne de dialogue… et ose ne jamais offrir au spectateur le confort d’un angle de visionnage sécuritaire. Le rythme est lent mais la tension toujours présente et le manque de réponses, s’il pourra s’avérer frustrant par moments, contribue à créer un suspense gangrenant.


Le Mal est Partout


Ce qui semble fasciner le cinéaste, c’est la bicéphalité des sentiments humains. Dans cet environnement dévasté par une effroyable épidémie, les modes de vie sont redevenus plus primaires et la volonté de survie déchire chaque personnage (en particulier Paul, le père de famille interprété par Joel Edgerton) entre un égoïsme sécuritaire et les derniers restes d’une humanité mourante. C’est là tout l’enjeu qui passionne Trey Edaward Shults : qu’est-ce qui nous pousse à s’accrocher à la vie dans un monde que l’on sait condamné ? Qu’est-ce qui nous lie encore aux autres ? Comment parvenir à garder notre humanité dans un contexte engendrant l’aversion ? Des questionnements inhérents au genre post-apocalyptique, que le réalisateur développe ici de manière profonde, au point de les transformer en véritables obsessions.


Pour donner vie à ce quasi huit clos, Edwars Shults use d’une mise en scène minutieuse, dont chaque plan est là pour nous raconter quelque chose. L’économie d’effets et l’épuration globale (peu de couleurs, peu de décors, peu de dialogues…) font de It Comes At Night un objet filmique des plus intéressant, gonflé de stress et de doutes. Cette fresque familiale intimiste se voit déchirée de l’intérieur par le surgissement des pulsions les plus sauvages et les angoisses les plus profondes. La volonté surannée de ces êtres à vouloir poursuivre une vie normale en se rattachant à un mode de vie révolue ira de paire avec une psychose grandissante les menant à leur propre destruction.


Avec un budget limité mais de bonnes idées, le cinéaste parvient à livrer une œuvre anxieuse au doux parfum paranoïaque. It Comes At Night montre le détraquement d’un groupe d’humains désespérément attaché à une logique de vie obsolète et le chaos qui prend place dans la demeure n’est finalement que le reflet de l’état intérieur des âmes qui l’habitent. Ici-bas, la peur vient autant de l’extérieur et de l’étranger que de l’intimité domestique et des ressentis internes. Et l’on se rend vite compte que ce microcosme est finalement condamné à répéter à petite échelle ce qui a tué le monde.


critique originale : https://www.watchingthescream.com/residus-dhumanite-critique-de-it-comes-at-night/

Créée

le 10 déc. 2017

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Aurélien Z

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