NOTE : 8.5/10


It Comes At Night peut surprendre si, comme moi, on ne sait rien du film avant son visionnage. Il est malheureusement très mal vendu, déjà simplement par son titre mais aussi par la campagne qui a été faite autour (les affiches, très accrocheuses il faut le reconnaître mais qui sont peu représentatives de l'ambiance du film et donc assez trompeuses). On croit à un film de zombies, ou de monstres, ou de fantômes, ou d'esprits malveillants, ou de quelque mal qui se montrerai la nuit mais finalement, ce qu'il faut craindre ne vient pas de l'extérieur de la maison mais bien de l'intérieur des personnages eux même.


La réalisation est impeccable, d'un minimalisme très efficace. L'économie de moyens fait que les quelques effets portés par des jeux de caméra, de contrastes, de hors champ, de musique... bref toutes les techniques inhérentes au cinéma vont droit au but mais toujours en discrétion.


It comes at night c'est donc un huis clos, un survival qui se concentre sur ses personnages. Le film prend son temps, il installe bien le contexte dans lequel il évolue, le réalisme dont il fait preuve permet de bien s'identifier aux personnages. Et c'est d'autant plus fort qu'on ne sait que ce que savent les personnages. Et rien de plus. On manque cruellement de réponses sur bien des points : les origines de la maladie, ce qu'elle provoque exactement, les rêves du garçon, l'identité de la personne ayant ouvert la porte... Ainsi le film arrive à nous garder en haleine en évitant de tomber dans la fameuse formule "on sait ce qu'il va se passer mais le personnage ne sait pas donc on a peur pour lui". C'est donc par cette identification aux personnages que la peur et la tension peuvent s'installer chez le spectateur et pas par ce que nous montre la caméra. Toutefois, le film semble un peu court pour que cette atmosphère puisse prendre toute son ampleur. Il se passe toujours quelque chose d'assez fort (que ce soit sur la tension créée, le travail des émotions, l'action des scènes...) ce qui maintient l'attention du spectateur, mais on pourrait souhaiter installer encore plus le contexte. Au vu de la situation des personnages, il semble qu'un certain temps se soit déroulé depuis l'épidémie apocalyptique. Les personnages ont très certainement développé une routine quotidienne (comme le montre la scène d'explication des règles dans la maison) que l'on pourrait souhaiter voir un peu. On aurait presque envie de pouvoir s'ennuyer un peu par moment pour que le condensé de péripéties et d'émotions qui vont avec puissent avoir encore plus de force jusqu'au 10 dernières minutes du film qui auraient alors été un vrai bouillonnement oppressant.
Car ces 10 minutes sont véritablement une grande réussite. Elles sont ce qui confirme que ce film se détache de la flopée de films d'horreur/angoisse/ambiance sombre. Elles révèlent ce que, réellement, nous devons craindre : l'humain, ses faiblesses et ses vices. Si le discours un peu cliché du "la famille avant tout" évoqué plus tôt dans le film paraît maladroit, il prépare le terrain pour la scène finale. Avec une grande justesse, on voit chacun des personnages sombrer dans l'égoïsme (chacun refusant l'écoute et la compréhension de l'autre et pensant seulement à la survie des siens), la maladie, la peur, la violence... illustré brillamment par la réalisation, toujours dans une approche minimaliste, avec les bandes noires du cadrage qui grossissent petit à petit, très lentement, de manière à peine perceptible. Tout est dit : la part d'ombre grandit (là, le titre prend beaucoup de sens) oppressant les personnages, chacun est confiné au plus profond de ses retranchements, la lumière et la vie peinent à s'affirmer alors que la détresse et la mort envahissent et couvrent peu à peu toutes choses.


It Comes At Night est donc vraiment un film centré sur ses personnages. Il n'apporte ainsi pas toutes les réponses que l'on pourrait souhaiter mais cela sert au final le film, son ambiance, et ses thématiques. Rien de superflu, des codes un peu classiques qui sont employés à bon escient, et d'autres que le film s'approprie pour en faire les siens, une belle photographie, une réalisation sobre mais efficace et intelligente, des thèmes forts... Dans la même lignée que The Witch, It Comes At Night s'affirme comme un bel exemple de cinéma indépendant.

PierreG
8
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le 1 sept. 2017

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PierreG

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