It Comes At Night


Où quand la peur de la contamination engendre la contamination de la peur…


Ce film fait partie des films que j’apprécie beaucoup plus en y repensant qu’à la première lecture. Au générique de fin, la salle entière s’énerve et s’exclame d’avoir perdu son temps avec un film qui ne tient pas ses promesses. Mais quelles promesses ? Quelles attentes ? Le problème est bien là justement…. Cette putain de mauvaise classification des genres au cinéma !! Et dernièrement elles sont de pire en pire. It comes at night et Get Out en sont les parfaits exemples, classés tous deux dans la catégorie « horreur » !? Sauf que ni Get Out, ni It Comes At Night ne sont des films d’horreurs. Si la mauvaise classification n’a pas porté préjudice au film Get Out (et tant mieux), ce n’est pas le cas d’It comes at night.


Résultat : une frustration et une immense déception pour les spectateurs qui s’attendent à un film d’horreur… tel qu’on l’entend vraiment (Cf. Ring, The Grudge, Halloween…) ; de la même façon que tous ces spectateurs guettaient l’apparition de monstres sanguinaires ou de zombies assoiffés de chair humaine… mais dans cette histoire, pas de grand méchant, pas de monstres déformés, pas de morts-vivants… c’est une tout autre peur que Trey Edward Shults nous conte ! Mais lorsque vous partez sous un autre angle d’approche, une mauvaise interprétation du film vous pousse à une réflexion ultérieure nécessaire et salutaire.


It comes at night est un huit clos qui raconte comment une famille tente de survivre à une sorte de peste mortelle, étendue au monde et capable de tuer en 24h. La famille de Paul (composée du père, de la mère et de leur adolescent Travis) est alors confinée dans un chalet au fond des bois, à l’abri du danger… du moins tente-t-elle de s’en persuader.


La première séquence nous montre la mise à mort du grand-père contaminé par le virus. Cette mise à mort est vitale mais bercée par la démonstration de l’affection que lui portaient les siens. Et cette mort n’est pas seulement une mort clinique mais également une mort sentimentale. Et à travers elle, la douleur de la perte, de l’abandon, de l’impuissance. La scène suivante, au diner, reflète tout le symbolisme de la disparition : la place manquante, l’espace vide, l’absence de bruit.


Quelques temps plus tard, un étranger pénètre leur demeure en pleine nuit… après s’être assuré (non sans mal) qu’il ne présente aucun danger, Paul accepte que cet inconnu s’installe chez lui avec sa propre famille (femme et enfant).


Dès lors, ils n’ont de cesse de vouloir recréer la norme… en s’imposant des règles de vie et ainsi tenter d’échapper au mal qui sévit mais dont on ne sera finalement pas grand-chose. Pour ne pas sombrer dans la folie, on se complait dans l’illusion d’une normalité qui n’a pourtant rien de normal. Quand le Monde se réduit à une simple cellule familiale confinée dans un espace aussi réducteur qu’une maison perdue en forêt, difficile d’y voir la normalité.


Mais c’est bien connu… l’isolement mène à la folie (demander donc à Jack Torrance ce qu’il en pense Cf. Shinning). Et si finalement le mal, le vrai Mal vient de l’intérieur ? Malgré ce que répète sans cesse Paul, le chef de clan : « on ne peut faire confiance qu’aux membres de sa famille… », on a tous un passager noir en soi (et là vous pouvez demander à Dexter ^^). Et seule la peur est capable de le révéler, de le sublimer et de l’intensifier !!! Une peur intense, irrationnelle et viscérale qui vous terrorise et vous immobilise, la peur de mourir, la peur de l’autre, la peur de soi, la peur de sa vie ! Et personne ne souhaite être confronté à la peur de sa vie et personne ne souhaite mourir. Mais cette peur du virus qui tue n’a malheureusement qu’une seule issue. La peur de la contamination engendre la contamination de la peur. Angoisse, oppression, paranoïa, confinement… il n’en faut pas beaucoup pour que la nature humaine de l’homme ressurgisse : la survie ! Et en mode survie tout est permit y compris le retour à une forme de barbarie. La sauvagerie se justifie… oui mais à quel prix ?


Le refuge glisse peu à peu en pierre tombale au fur et à mesure que les nuits passent, que les doutes s’installent, que la peur de l’autre deviennent l’enfer des autres. Une fissure de la rationalité qui ébrèche tout sur son passage transformant le chalet en un cercueil sans air, sans oxygène, sans espoir. Et les couloirs obscurs s’étirent comme le couloir de la Mort.


Et la difficulté d’être confiné lorsqu’on rêve d’aventure, d’amour, de découverte s’accentue pour Travis, le jeune ado, qui n’a plus d’avenir et qui voit débarquer une nouvelle famille dont une jeune femme qui suscite son intérêt à tout point de vue.


Alors qu’est-ce qui vient la nuit ? Vous séchez ? Les cauchemars !!! Et le jeune Travis en fait beaucoup… « les griffes de la nuit » l’ont atteint lui aussi et son monde balance entre réalité et imaginaire. Et ces cauchemars le mènent à la porte rouge… la porte qu’il ne faut jamais ouvrir la nuit, la porte qui le sépare de l’extérieur …


Le problème c’est que les cauchemars de Travis sont trop faciles à deviner, on distingue le réel de l’irréel sans grande difficulté et c’est le vrai défaut du film. Au lieu de nous plonger dans le doute, on nous prend un peu trop par la main… comme si nous n’aurions pas été assez malins pour comprendre que les cauchemars de Travis sont la clé du suspens. C’est dommage car le film aurait pu être excellent si le réalisateur avait pris le parti de confondre systématiquement la réalité des rêves de Travis plutôt que de nous livrer les indices cauchemardesques qui n’apportent rien. L’anticipation de la peur étant bien plus flippante parfois que la peur elle-même.


Deuxième bémol : le rôle des femmes cantonné à des spectatrices ou des assistées ; elles ne sont pas exploitées et restent toujours en retrait derrière les hommes.


Troisième bémol : pourquoi l’épidémie serait-elle plus dangereuse la nuit que le jour ? Ce n’est pas cohérent mais ce n’est pas non plus si important que ça dans l’histoire.


En conclusion : It comes at night est plus un drame / thriller psychologique qu’un film d’horreur et surprend par son approche et son dénouement mais sa mauvaise classification aura du mal à rallier l’engouement des spectateurs qui se sentiront forcément trompés.


K.

Nerak
7
Écrit par

Créée

le 27 juil. 2017

Critique lue 367 fois

2 j'aime

2 commentaires

Nerak

Écrit par

Critique lue 367 fois

2
2

D'autres avis sur It Comes at Night

It Comes at Night
Kyle-Valdo
8

SORTIE CINE | "Death Comes at Night"

Quand je suis sorti de la salle de projection, je me suis posé une question : "Mais qu'est ce que je viens de regarder?". It Comes At Night. Qu'est ce que veut bien dire ce titre? En réalité, It...

le 24 juin 2017

58 j'aime

12

It Comes at Night
Sergent_Pepper
7

Les métamorphoses du vide

A la question fondamentale que se poserait un scénariste sur les mécanismes essentiels de la peur, un seul mot suffirait à résumer son boulot : rien. L’ignorance, la méconnaissance, l'innommé, autant...

le 19 sept. 2017

55 j'aime

2

It Comes at Night
mymp
8

Précis de décomposition

Comme pour The witch, il y a méprise : It comes at night n’est pas un film d’horreur, pourtant vendu comme tel (déception assurée pour les amateurs de gros frissons et de gore bouillonnant). Comme...

Par

le 26 juin 2017

52 j'aime

7

Du même critique

Missions
Nerak
7

C’est un petit pas scénaristique mais un bond de géant pour la SF française !!

Bon alors oui, "Missions" n’innove pas et oui "Missions" est fortement inspirée des poncifs de la SF... et alors ? J’ai découvert les premiers épisodes au festival série Mania en présence de toute...

le 2 août 2017

6 j'aime

4

Chaos
Nerak
2

Cata plutôt que chaos !!! et grosse cata !!

Je crois qu'avec ce bouquin c'est le dernier que je lirais de Patricia Cornwell. Ce livre est désespérant tellement il est lent, tellement il ne se passe rien, tellement je n'en peux plus de Kay...

le 5 juil. 2018

4 j'aime

2

13 Reasons Why
Nerak
7

9 raisons où j'ai bien failli passer à côté !!

Attention spoilers !!! Ne pas lire si vous ne voulez pas savoir la raison de son suicide !! Dès les premiers épisodes, je me suis dit que j avais toutes les raisons pour ne pas regarder cette série ...

le 3 août 2017

4 j'aime