Le sexe, c'est mortel. Tel semble être le message quelque peu douteux de ce film. Ou peut-être est-ce tout le contraire. Peut-être qu'au contraire, le long-métrage prône un sexe joyeux, sans complexes, débarrassé de toutes ses angoisses, au lieu d'un rapport sexuel fait dans l'urgence, afin de se débarrasser de...ça. Le débat est ouvert. Mais en attendant, laissez-moi critiquer ce film, et vous dire combien c'est du grand art. Un film brillant, voire très brillant.


Il met en scène des adolescents. A la simple évocation de cette particularité, le nez de ceux et celles qui souhaitent restaurer la grandeur de l'empire cinématographique des sueurs froides se fronce: oh, ces sales ados, ces ados stupides, futiles, qui ne vont que crier, qui boivent et fument à la chaîne, qui ne pensent qu'à leurs fêtes et à faire La CHOSE (c'est le cas de le dire ici!)
Que ces traditionalistes de l'épouvante se rassurent, It Follows n'est pas un teen-movie idiot, creux ou criard; c'est même un film très silencieux....les dialogues ne sont pas nombreux, ni très longs, nos héros crient quand il faut crier et leurs cris sonnent, ma foi, plutôt naturel. Pour le reste, It Follows est moins un film de parole qu'un film de mouvement. Mouvement de la chose (la créature, hein. Le...méchant, quoi. Pas...ok, vous avez compris), perpétuellement en déplacement, et mouvement des héros qui la fuient sans cesse, dans ces banlieues, établissements scolaires et plages si calmes, si calmes, que cela en devient perturbant.
Tiens, parlons-en, de ces décors, et plus précisément de la manière dont ils sont filmés: l'esthétique est, d'une part, extrêmement travaillée, la photographie très bien léchée (trop bien, peut-être?) et certains plans pourraient carrément être exposés dans une galerie photo (je pense notamment à la scène où l'on peut voir Jay, évanouie, attachée à son fauteuil roulant, et filmée à distance). En fait, tous les bâtiments constituant l'environnement sont filmés de manière à ressembler à des maisons de poupées, par une caméra qui, en mouvement elle aussi, scrute les alentours et souligne la fuite en avant de l'héroïne, dont le visage placide de...poupée de porcelaine m'aura interpellée tout du long (et ce, bien que son jeu soit très honorable). Dans ce décor bien plus mort que vivant, où les adultes n'existent tout simplement pas, une bande d'adolescents (ni plus ni moins idiots que n'importe qui; "normaux" est le premier mot qui vient à l'esprit pour les décrire. Peut-être sont-ils simplement un peu plus tristes, un brin plus nostalgiques que la moyenne de leurs pairs) tentent à eux seuls de contrer la chose. Mais qui est la chose? Vous pouvez le savoir. Couchez avec quelqu'un qui peut la voir, et vous la verrez à votre tour. Son apparence est variée, elle peut tout aussi bien prendre la forme d'un parfait inconnu que celle d'un de vos proches (et n'a aucun scrupule à prendre celle de vos parents, de manière à remplacer ces géniteurs bien plus fantomatiques qu'elle), très souvent à moitié ou complètement nue (le sexe); si elle porte des vêtements, ils sont blancs. Elle avance lentement, ne parle pas, pisse sa mouille et renaît lorsque vous la tuez. Fuyez-la à tout prix, car elle essayera de vous détruire.


Et c'est là, mesdames et messieurs, que nous en arrivons à la partie "horreur" du film: elle est impeccable. Digne du Sixième Sens. Ces bruits de vitres brisées, cette musique grinçante, cette chose qui avance droit sur vous, la bouche grimaçante et les yeux cerclés de sang séché, ces endroits délabrés et déserts dont on ne sait si ils vont nous sauver ou nous apporter la mort, ces regards fixes...le film vous laisse le temps de goûter pleinement à la terreur (la scène du début est excellente), et vous savez quoi? C'est bon.


C'est donc un film aux accents de teen-movie. Cependant, comparé à la flâtrée de conneries qu'on a pu servir par le passé, il se démarque du lot. Ses héros sont sensibles et sérieux, son scénario original, sa photographie élégante, sa mise en scène vivante, ses effets d'horreur très réussis.
Seule peut-être la fin, trop abrupte, m'a déçue (c'est de là que provient également mon étoile en moins).


Alors surtout, n'hésitez pas: passez une bonne soirée, buvez, fumez, baisez, et regardez It Follows.

Créée

le 18 mars 2017

Critique lue 755 fois

7 j'aime

Dany Selwyn

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7

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