Fornication interdite ou l'histoire sans fin

Le film de genre par excellence avec tous les codes du teen movie horrifique – le groupe de jeunes, les parents qu’on ne voie pas ou à peine, avec maisons, voitures, pourchassés par une menace terrifiante, un psychopathe ou (ici) une entité ; et avec nombre de références très explicites, presque des citations, répertoriées dans toutes les critiques – Carpenter évidemment (et d’abord la musique), Scream et surtout Freddy, Cronenberg …

Je ne suis pas particulièrement fan du genre.

Cela dit, la réalisation est bonne – avec un gros travail sur le montage et sur l’image et nombre de figures maîtrisées – même si souvent elles semblent assez gratuites : longs travellings très fluides pour distiller l’angoisse, variations dans la mise au point, plans de coupe mystérieux, plongées écrasantes, images dans une pénombre à la fois épaisse et belle, jeux sur la profondeur de champ, souvent pour laisser entrevoir l’approche de la menace, ou non …

Il y a aussi une bonne introduction, mystérieuse et angoissante. Et la grande scène, presque finale, très impressionnante, de la piscine, décor immense et géométrique dans un bleu profond. Mais longue.

Il y a aussi pas mal de problèmes.

• Avec les incohérences, ou pour le moins les bizarreries du scénario, dont on pourra toujours trouver qu’elles contribuent à l’angoisse ou à l’esthétique de l’ensemble ou, à nouveau, au respect des codes … le premier transmetteur du virus, disparu sans laisser d’adresse, retrouvé presque immédiatement, après une enquête bâclée, sans que cela ait un quelconque impact sur le récit, sinon avec la redite bien lourde de tout ce qui avait déjà été dit précédemment. Et puis, en vrac, des questions de béotien : pourquoi de dernier attache-t-il la nouvelle victime alors que son but est précisément de la protéger de la menace qu’il faut fuir ? Pourquoi la succession des plans de coupe, renvoyant à des séquences précédentes, une assiette avec de la nourriture découverte en plongée, une piscine mobile … sans autre justification ? pourquoi faut-il passer une frontière et traverser une zone assez lépreuse (belle réussite esthétique au demeurant) avant l’ultime affrontement avec l’entité zombiesque ? Pourquoi installer la victime en plein milieu de la piscine, avec des tas d’appareils électriques sur les bords, quand le but est justement d’électrocuter … le monstre invisible, le risque est grand ? Et tout est à l’avenant.
• Avec une succession d’événements très répétitifs, très prévisibles ; un zombie (sous des formes variées, un des derniers avatars étant un homme nu sur un toit) apparaît à l’horizon, s’approche très lentement, tout le monde s’enfuit et cela recommence … Et cette répétition finit par devenir assez pesante, pas du tout ludique …
• Avec une interprétation d’une extrême fadeur, à commencer par l’héroïne.

Tout cela n’est pas très grave.

La morale par contre est plus que moralisatrice, d’une pudibonderie rétrograde, totalement et définitivement insupportable : le virus se transmet, comme celui d’une vieille MST, à chaque fois que la victime prend un nouvel amant – interdiction de baiser sous peine de mort, passe le message à ton voisin …

Cela dit, jusqu’à la fin le film restera fidèle aux codes du genre. Après l’élimination dantesque de la monstruosité virale, très « subtile » aussi à l’instant où la piscine se transforme en un immense flux menstruel, les nouveaux amants-amis s’éloignent main dans la main, mais à l’horizon une silhouette menaçante (ou pas) se meut dans la profondeur du champ et dans leur direction. Très lentement.

Et ça continue encore et encore …

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le 19 févr. 2015

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