Cela faisait 10 ans que Elia Suleiman ne nous avait pas donné de nouvelles et franchement, son ton si particulier a manqué au cinéma mondial. Le jury de Cannes ne s'y est pas trompé, décernant à It must be Heaven un prix spécial. Spécial, c'est le mot, et ô combien rafraîchissant. Chez l'homme de Nazareth, l'endroit où il est né et où il vit, point besoin d'une véritable narration, ses films progressent au fil de scènes admirablement réglées et chorégraphiées. Lui, le spectateur du monde, se filme en passager lunaire entre Keaton et Tati, traquant l'absurde des situations qui se déroulent sous ses yeux, que cela soit en Palestine, à Paris ou à New York. Qu'on ne s'y trompe pas, derrière le burlesque et la poésie surréaliste de It must be Heaven, Suleiman le magnifique nous fait part de ses inquiétudes et de ses angoisses avec un faux minimalisme qui fait joliment mouche. Le Paris qu'il décrit est d'abord fantasmé (séquences sublimes) puis beaucoup plus réaliste avec les inégalités sociales et l'omniprésence policière. Mais si le cinéaste ne force pas le trait, il nous oblige à rire en créant du désordre ou en soumettant un certain nombre de clichés (c'est encore plus vrai à New York) à sa propre volonté. Avec ce film impressionniste, Elia Suleiman prend le risque d'ennuyer les spectateurs qui ont besoin d'une histoire bien charpentée. Mais même si certaines saynètes sont moins convaincantes que d'autres, c'est inévitable, le réalisateur palestinien réussit à imposer son regard scrutateur, narquois et lucide. Et la plupart du temps, c'est plus jubilatoire qu'angoissant parce qu'il a la politesse de montrer la comédie humaine plus que sa face tragique.

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le 28 juin 2019

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Cinéphile doux

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