"Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis." s'écriait Zola dans son article publié dans l'Aurore le 13 janvier 1898.
L'affaire Dreyfus est un épisode relativement mal connu de notre histoire; on se souvient évidemment de la lettre ouverte adressée par Zola au président de la république, éventuellement de la destitution du capitaine, mais on a pas en mémoire la totalité des faits. Et c'est la vraie force du nouveau film de Polanski : raconter à travers le cinéma, cet épisode sombre de l'histoire de France dans ses moindres détails, des documents falsifiés aux procès injustes.
"J'accuse" est donc avant tout un film historique; et tout y est pour que la reconstitution soit réussie : décors style fin XIXème, costumes militaires soignés, ambiance d'époque... Tout cela est bien retransmis à l'écran. Le travail de recherche a été poussé très loin, et pour cela, bravo aux équipes du film. Il s'agissait dès lors, de transmettre cette même véracité aux acteurs. Jean Dujardin (Picquart dans le film) entretient sans cesse un rapport entre le dramatique et le calme dans son jeu. C'est simple, il incarne très bien son personnage, et bonifie très clairement le film. Louis Garrel incarne assez bien un Dreyfus désemparé et outragé; Emmanuelle Seigner se content d'un rôle pour le coup vraiment secondaire qu'elle remplit efficacement...
Mais qu'en est-il de l'aspect purement cinématographique ? Et bien c'est plus compliqué : le film, par un dynamisme dont seul Polanski a le secret, n'ennuie jamais ou presque. La trame est passionnante et on s'y attache fermement tout au long de la séance; cependant, l'aspect musical n'est selon moi pas assez présent et n'offre pas un atout supplémentaire au film.
Polanski ne tombe pas dans le piège de se réapproprier l'histoire, au contraire il la remet à sa juste place. Certains y verront seulement un plaidoyer contre l’antisémitisme, d'autres, et c'est mon cas, une bonne façon d'appréhender l'aspect profondément antisémite d'une partie de la société française du XIXème. Les plans et le montage offrent (comme ceux avec lesquels on quitte l'île où est isolé Dreyfus) toute une symbolique autour de la solitude : celle d'un homme incarcéré et désespéré, évidemment, mais aussi celle d'un homme seul dans son combat, Picquart.
Polanski ne signe sans doute pas ici son plus grand chef-d'oeuvre mais dépeint les événements avec une justesse historique et cinématographique excellente. A voir, si tant est que l'on distingue l'homme et le réalisateur.
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