Il aura fallu à Polanski plus de 8 ans pour sortir le film qu'il voulait. Pas d'acteur Français à la hauteur du rôle qu'il voyait pour interprêter le Colonel Picquart et pour lui, pas question de tourner en anglais. On peut reconnaître à Polanski le mérite d'être patient. Sept ans d'attente et enfin il choisi Dujardin pour inteprêter ce personnage, supérieur militaire de Dreyfus et antisémite qui fera ré-ouvrir l'enquête et fera tout pour prouver son innocence en dépit de la pression des Généraux pour enterrer l'affaire, d'une opinion publique fortement défavorable et de ses propres sentiments envers les juifs.


Pour mieux comprendre les choix narratifs du film, cette phrase de Polanski lors de l'annonce du film en 2012 résume tout :



J’ai longtemps voulu faire un film sur l’Affaire Dreyfus, en traitant le sujet non comme un drame en costumes mais comme une histoire d’espionnage. De cette manière, on peut montrer son absolue pertinence par rapport à ce qui se passe dans le monde aujourd’hui – le spectacle séculaire de la chasse aux sorcières à l’encontre d’une minorité, la paranoïa sécuritaire, les tribunaux militaires secrets, les agences de renseignement hors de contrôle, les dissimulations gouvernementales et la presse enragée.



Et le film tient tout ses engagements. Tout ces thèmes sont traîtés et vraiment bien traîtés. L'écriture est impeccable, on suit le colonel Picquart superbement interpété par Dujardin, d'abord convaincu de la culpabilité de Dreyfus de part les dires de la hierarchie, puis convaincu du contraire après avoir été promu colonel et responsable du service du renseignement français. Le très bon jeu d'acteur de l'ensemble du casting, les costumes, la photo et la mise en scène soignée participent à rendre le tout le plus réaliste possible. On est plongé dans le Paris de la fin du XIXè comme si on y était.


La photo est telle qu'on se demande si le film n'a pas été tourné entièrement en lumière naturelle, que ce soit dans les environnements intérieurs ou extérieurs (même si ceux ci sont rares). L'impression de réalisme s'en retrouve largement accentué.


Des éclairages de cette qualité seraient inutiles sans de bons cadres, et ils sont plus que bons à mon sens; exemplaires. Je prendrai pour exemple, pour ceux qui ont vu le film, la scène dans l'église (plan séquence lent et maîtrisé) et celle du duel pour l'honneur. Cette dernière notamment est impressionnante de justesse, l'échange de coups ne cut pas toutes les demi secondes et le spectateur peut apprécier le duel entre deux acteurs et non des cascadeurs.


Seul bémol à mon sens une musique de Desplat très (trop ?) discrète, peu marquante.


Au delà de la technique, les thèmes abordés par le film en font un objet filmique extrêmement actuel avec plusieurs niveaux de lectures. Que ce soit la persécution d'un homme de part son appartenance à une minorité (qui fait aussi référence à la situation personnel de Polanski on va pas se le cacher), la difficulté des hautes instances à admettre leur erreurs, l'importance de l'opinion publique dans les prises de décision politiques ou judiciaires, la critique à peine voilée de la perdition de nos valeurs morales et artistiques pour reprendre les termes exacts, tout ceci peut faire echo énormément d'affaires en cours ou passés.


Le film le plus polémique de l'année s'avère être pour moi, proche de l'excellence et a donc largement sa place dans les meilleurs films de l'année 2019.

FabienBe
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le 7 janv. 2020

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Fabien B.

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