Le cinéma de Xavier Dolan est viscéral. Bouscule nos perceptions, produisant de part nos pupilles des images d'une beauté vacillante, fragile, à l'élégance qui rentre progressivement dans la gorge, jusqu'à nous envahir de toute part. Le tandem vacillant d'une grâce extraordinaire, immense, d'une poésie tentaculaire, juxtaposition des images se noyant dans le flot d'artifices, montage d'une perfection sans borne.
L'impression exacte d'être devant une partition de musique, bien que l'on soit néophyte en la matière. Tout s'enchaine, s'égraine, calculé au millimètre carré, perfection de l'ordre du minimal, minuscule grain de vie dans l'immensité d'un film, emplit d'une vie qui déborde, qui à du mal à tenir, flot d'émotion, de cœur, de larmes, de colère, de soupirs. Le cinéma de Dolan est un flot, une vague, un raz-de-marée d'une émotion pure, totale, sans fard. Personnages d'une grande justesse, infime, intensité qui dépasse les êtres, alors on pleure, alors on rit, alors il y a l'humain qui se tient, digne, emplit d'humanité, de chair, de vie. Et ça fait du bien, oui. Tout ce flot d'émotion qui monte à la surface, emplissant le monde de vie. Nous avons besoin de ça. Urgence d'un cinéma bourré d'humanité. Urgence des êtres, des vies. Véracité rare, justesse des êtres retrouvée le temps d'un film.
Alors le cinéma est là. Affalé en vrac, dicté par un garçon de seulement 19 ans lorsqu'il réalise son premier film, J'ai tué ma mère. Alors on rêve. De pouvoir nous aussi réaliser un truc pareil.
J'ai tué ma mère et tous les autres films, perles rares jaillissant des confins du monde sans qu'on s'y attente, c'est de l'ordre du très, très grand génie. A seulement 19, 24 ans, c'est d'une rareté qui dépasse tout, une mine d'or inconcevable.
Génie qui se tient là, la tête droite sur les épaules, faisant des films rares, intimes, qui chavirent et qui n'en peuvent plus de vivre.


Bien sûr, le premier film de Xavier Dolan est emplit de maladresse, une belle maladresse. Candeur qui transpire dans chaque pores de pellicule, dictant la beauté éphémère d'images, de plans, de cadrages tous plus beaux les uns que les autres, perfection rare, unique, élan de spontanéité d'une candeur rare, sans borne, jeunesse des premières fois, l'acte premier de filmer et de balancer ses vies à travers l'écran. On aimerait pouvoir maitriser la perfection comme le fait Dolan. On aimerait pouvoir user de ses plans qui vacillent, qui s'enchainent, notes de musique qui s’aiguisent, harmonie des plans fixes, des captures d'images, du rythme avançant à la baguette, ralentis, musiques, œuvre d'art qui étale son monde devant nos yeux ébahis, qui en veulent plus, encore. On aimerait être les films de Dolan. On aimerait ouvrir les portes, ouvrir l'écran, pouvoir rentrer dans les images colorées des vies. On aimerait être Dolan, on aimerait être tout de l'entièreté de ces images, de ces êtres, de ces couleurs, de ces dialogues, de ce monde.
Parce que nous n'avions jamais vu ça avant. Avant Dolan. C'est tellement inattendu. Toutes ses images qui avancent comme un tableau, une œuvre d'art pop aux couleurs qui jaillissent, étoiles filantes dans la nuit, mur rouge d'une chambre, kitch infime d'un monde, mauvais goût assumé, étalé, allures, postures. Cinéma d'une immense singularité, et pourtant emplit de milles choses, de milles références. Forcément. Il est pas bien vieux le petit Dolan.
Harmonie totale, entière, qui balance d'un bloc son flot d'élégance, d'entièreté, de vie.


Il y a le soin des postures, des façons de s'habiller. Il y a le soin des décors, des cadrages, composition parfaite du moindre plan, perfection de la moindre particule d'images. Tout est pensé, dosé, analysé, posé, comme de l'art, car le cinéma c'est de l'art, du grand art, immense, viscéral, qui bousille tout sur son passage, et ça, Xavier Dolan l'a parfaitement compris.
Harmonie du cinéma. C'est ça qui donne au monde ça vicissitude, le ventre plein et rond d'une perfection qu'on ne peut trouver qu'au confins de l'émotion. Celle grande, d'une immensité sans bornes. Celle de l'art, et de tout le reste autour. Alors il y a le cinéma. Tandem de vie. Déposition des mondes. Témoignage des nombreuses vies, arrangées à la sauce au nom de l'Art. On ne peut faire autrement. La vie, celle au travers de l'art, au travers du cinéma, c'est l'émotion qui nous triture les membres, nous plongeant dans le grand piège d'une émotion beaucoup trop forte. C'est cela parfois que l'on ressent le temps d'un film. C'est pour cela que l'on aime le cinéma, encore, jusqu'à abandonner nos vies pour les fondre dans celles des autres, imaginaires, fantasmées.
Voilà ce qu'est le cinéma.


Dolan tout entier. La grâce, l'élégance. L'harmonie des vies.
Avec un peu d'ego surdimensionné aussi. Ben oui parce que ça crève les yeux cher Dolan.

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le 30 juil. 2015

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Lunette

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