Je craignais que cette adaptation de La Mécanique du Coeur ne soit qu'à moitié réussie, qu'elle tente d'être trop enfantine de par ses dessins, ou qu'elle ne souffre de toutes les tares dont souffrent les adaptations commerciales habituelles.
Sauf que cette adaptation du diptyque livre/album de Mathias Malzieu/Dyonisos n'est pas commerciale, on y sent une véritable volonté artistique... et c'est là à mon sens un grand point fort.

Le film oscille entre un côté assez niais, mignonnet, qui passe aisément pour un immense cliché (l'histoire d'un enfant qui ne peut tomber amoureux, sinon il meurt, mais qui tombe amoureux quand même. Résumé ainsi ça vend pas spécialement du rêve), et un côté plus gothique, glauque, qui n'est pas sans rappeler l'histoire d'un autre Jack (mais sorti de l'imaginaire de Tim Burton, celui-ci).
Ce mixe d'ambiance et d'univers a tout pour plaire, plus particulièrement à une certaine tranche d'âge (l'adolescence est particulièrement sensible à ces ambiances romantico-gothiques aux concepts farfelus, la preuve en est par l'incroyable popularité que Burton a dans les lycées et... oserai-je le dire, oui, argh, la popularité de Twilight - PS: Attention, cette histoire n'a rien à voir avec celle de Twilight hein, qu'on soit bien d'accord). Il fallait donc s'affranchir de son concept pour proposer quelque chose qui a une raison d'exister. Il faut que le film soit bon en lui-même, que son histoire mérite de s'y attarder, qu'il y ait quelque chose à partager aux spectateurs.

Et pour moi, c'est le cas. L'histoire tient plus du conte et est donc très simpliste dans ses grandes lignes, certains éléments sont même un peu prévisibles, mais cela importe peu dans la mesure où le principal à mes yeux réside dans la création d'un univers. La Mécanique du Coeur est un conte romantique dans un décors gothique, l'amour y sera donc sublimé mais les événements négatifs y seront aussi d'autant plus forts. Malgré sa dimension tout public devant également plaire aux enfants, le film ne tombe pas dans la facilité du "tout est beau tout est tout bien" et n'épargne pas aux marmots les malheurs de cette histoire. On y croisera des prostitués, des morts, des blessures, et certains événements prendront des tournures auxquelles je ne m'attendais pas (je n'ai pas lu le livre). Pourtant, tout est lisse, les personnages ont été pensé pour ressembler à de la porcelaine, ce qui crée un décalage encore plus fort.

Qu'on ne s'y méprenne pas, ceux qui n'aiment pas ce genre d'histoires n'y trouveront certainement pas leur compte, il faut se laisser ouvrir à l'imaginaire, au fantaisiste pour l'apprécier à son maximum.

Le conte qui nous est présenté prend en tout cas merveilleusement forme grâce à une direction artistique de haute volée, débordant d'idées à foison. Le film est vraiment amusant à voir pour toutes ces idées visuelles, ces petites piqûres de magie, ses effets de mise en scène. Des images charmantes aux plus grands délires, le film est ici très riche, et pour peu qu'on aime ce genre artistique c'est un petit régal. Cela contribue à rendre l'univers particulièrement fascinant.

Les chansons de l'album sont très bien intégrées pour raconter au mieux l'histoire, certaines n'apparaissant pas en entier, certaines autres n'apparaissant pas du tout, mais à chaque fois que les personnages chantent ce n'est que pour mieux sublimer le film. Les textes de Dyonisos sont en effet particulièrement bien écrits, et ont encore plus de puissance au sein d'une histoire mise en images. Les idées de textes côtoient les idées visuelles dans une valse enchanteresse. Il n'y a pas une chanson en trop, toutes renforcent telle scène ou tel événement, donnent plus de puissance à tel personnage et etc. C'est vraiment un plaisir de constater que ces chansons ne sont pas là que parce qu'il fallait les y mettre.

J'ai juste deux vrais reproches à formuler au film. Le premier est que les voix ne m'ont pas toujours parues adaptées aux designs des personnages. Il ne m'a pas semblé naturel que la voix de Madeleine soit " sa vraie voix ", j'avais au début du film l'impression de vraiment voir que c'était doublé, ça m'a un peu gêné. Idem pour Jack étant jeune, puisque Malzieu même s'il la masque a tout de même une voix adulte. Au final, on s'y habitue très très vite et ça ne gêne pas vraiment.
Le second est que les rares chansons en anglais ne soit pas sous-titrées. Elles n'ont pas d'importance scénaristiques, sauf peut-être la toute dernière, mais il aurait été agréable (surtout pour un film français) d'en proposer la traduction.

Jack et la Mécanique du Coeur est donc pour moi un film d'animation très réussi, particulièrement inspiré, oscillant entre des niaiseries romantiques Disney-like et des thématiques plus fortes et sombres (même si pas trop non plus), donnant un ensemble solide. En somme, un film qui ne se fout pas de notre gueule, véritablement tout public (petits et grands), mais qui nous invite tout de même à la rêverie.
Un délire artistique et musical ravissant, qui comblera tous les amateurs du genre, et surtout les fans du livre et de l'album. Une réussite de l'animation française.

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le 29 déc. 2013

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