Il est difficile de ne pas établir de comparaison entre les deux derniers opus du chilien Pablo Larrain, du fait de leur proximité temporelle, signe d'une activité de stakhanoviste proche du burn-out, et de leur rapprochement formel : le biopic fragmentaire, revisité et conceptuel.


Là où il y avait une véritable ambition ludique et intellectuelle dans un jeu de pistes où se confondaient réel et relecture, on a à présent avec Jackie un essai terriblement discursif – pas loin d'être creux en maniant sans subtilité des concepts politiques et philosophiques – à la fois cérébral et démonstratif. Le réalisateur de Neruda bute donc sur cet écueil en jouant sur les deux tableaux échouant dans la dimension cérébrale, réflexive et introspective, d'une part, et proposant une reconstituiton léchée et mortifère des jours qui suivirent l'assassinat du président américain. On peut savoir gré à Pablo Larrain de réaliser un film froid qui ne suscite guère l'émotion, c'est-à-dire guère de sympathie pour une femme qui apparaît d'abord un peu dépassée, presque idiote, lorsqu'elle fait visiter la Maison Blanche en évoquant maladroitement ses projets de rénovation (les communicants et conseillers sont déjà en place dans l'Amérique des années 60) avant de se révéler une veuve plus retorse, soucieuse de la pérennité de l'image de son époux. En ce sens, elle aura su faire preuve d'une remarquable intuition et d'une opiniâtreté robuste face à la nouvelle équipe.


Construit comme un kaléidoscope où les conversations avec le journaliste venu interviewer Jackie et le prêtre (le dernier rôle de John Hurt) servent de ciment aux évocations de l'avant et du jour du drame, traité de manière sobre et elliptique au contraire de la séquence des funérailles, le film a sans conteste des qualités de mise en scène et d'écriture, mais celles-là ne parviennent pas complètement à dissiper l'ennui et à réduire la distance qui s'est installée entre l'héroïne et le spectateur. Peut-être ce projet original et ambitieux aurait-il davantage convenu à un livre ou une pièce de théâtre ; l'essence cinématographique devenant ici comme un obstacle ou une sorte d'empêchement.

PatrickBraganti
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le 6 févr. 2017

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