Au départ je ne me fait pas à la mise en scène, la musique m'est insupportable et Natalie Portman me fait horreur dans son interprétation de Jackie Kennedy. Il m'est donc difficile d'entrer dans la pudeur de cette femme que je sens fausse, que ce soit par la représentation que Jackie fait d'elle-même ou par celle de l'actrice l'incarnant. Et pourtant il y a un moment où on lâche prise, où la musique fait sens face au drame de la situation, où la réalisation fait corps avec cette femme dans l'intimité du deuil qui ne lui appartient pourtant pas vraiment au vu de son statut. Et Natalie Portman parvient à me toucher, sans y voir Jackie dont on a au final que l'image qu'elle nous renvoyait, elle interprète une femme au seuil d'un événement historique qui perd peu à peu tous ses repères.
Par le choix d'un cadrage serré, suivant la femme plutôt que la présidente, on entre dans sa sphère privée à la fois hésitante et sure d'elle, car elle n'est au final jamais seule, toujours en représentation. On est loin du biopic ordinaire qu'Hollywood aurait construit pour elle, et pourtant chaque détail de l'Histoire vient nous rappeler à l'ordre. Le spectateur erre face au choc de cette femme, un assassinat qu'on a trop longtemps gardé comme un tournent de l'histoire américaine. Cette vision plus intime et scrutée vient remettre en selle le dernier acte que Jackie du instaurer pour faire entrer son petit président de mari dans la postérité. La musique plonge le film dans une sorte de limbe entre la dure réalité et la protection ouaté de cette femme, sorte de chant d'adieux lancinant qu'on a du mal à cerner au départ pour prendre tout son sens au fur et à mesure.
Beaucoup de choses ont été écrites sur l'assassinat de John F Kennedy mais il y a dans ce film une place intime comme si le spectateur était invité à voir l'histoire d'une façon plus personnelle.
La fluidité du récit réside dans un montage astucieux, mêlant sans difficulté plusieurs temporalités qui sont pourtant proches. Que ce soit l'interview, l'assassinat, le tournage à la Maison Blanche, le réalisateur a très bien su tirer avantage de la célébrité du moment pour ne jamais nous perdre dans les étapes du récit, gardant comme point d'ancrage son actrice.
Il y a parfois quelques maladresses : les images d'archives se mêlant au film où Portman réinterprète une Jackie différente sont trop dans la caricature ; on sent une envie de clairement faire un parallèle avec la femme en représentation avant le drame et celle qu'elle donne à voir après. Le trait appuyé ne convainc jamais assez et se détache de la performance que livre Portman dans le contrôle décalé de cette femme.
Au final ce qu'on avait du mal à cerner au début devient accessible, sans même s'en apercevoir on est touché par l'approche du film. Alors, tout ce qu'on détestait fait sens et donne une vision plus intime d'un événement qu'on croyait connaître grâce à ce petit bout de femme.