Jackie Brown, hôtesse de l'air, coincée entre la police et un gangster, doit choisir son camp. Et ce sera le sien.
Jackie Brown commence de manière assez singulière, voire un peu ridicule. On voit Pam Grier de profil qui est déplacée par un tapis roulant dans un aéroport. Le travelling est interminable, et Pam Grier, immobile, tremblote un peu sous le mouvement... Étrange référence au film Le Lauréat, on se demande ce qui justifie le lien entre les deux. Ensuite on la voit marcher quelques pas (sur du carrelage cette fois), démarche assurée, fière. Le personnage est posé car Pam Grier est resplendissante, mais l'impression d'étrangeté reste là.
S'enchaînent quelques scènes simplement informatives pour lancer l'intrigue (avec Samuel L. Jackson et De Niro) que Tarantino étire selon son habitude. Je m'ennuie, le blabla inconsistant devient limite pénible, les personnages, bien que réalistes et très bien écrits n'ont aucun intérêt. En fait le problème vient du fait que pour épaissir ses personnages, Tarantino leur donne des répliques de séries télé. Dans une série télé, placer de temps à autres des dialogues banals (banal dans le quotidien des personnages j'entends), ça passe. Dans un film qui va à l'essentiel, ça embourbe le rythme.
Puis Jackie Brown est arrêtée par la police, et le vrai film démarre, celui qui parle d'une femme dont on a envie de connaître l'histoire, d'un personnage intéressant. Et là, tout le style de Tarantino prend du sens, toute sa culture underground. Il a été cherché Pam Grier dans ses séries B, il en fait un personnage fort, qu'on n'oublie pas, avec d'autant plus de talent qu'elle n'est ni jeune, ni anorexique (c'est pas Nicole Kidman, en somme). Chevelure abondante, bouche étrangement tordue lorsqu'elle parle, elle forme avec Robert Forster un des plus beaux couples de cinéma parce qu'il est à la fois vrai et bizarrement assorti.
Au milieu du film, la référence à L'Ultime Razzia de Kubrick est beaucoup plus justifiée, et la violence impulsive de certaines scènes surprend, tombant sans prévenir.
On arrive à la dernière scène, déchirante, où la caméra pleine de pudeur devient floue. Puis Jackie Brown est dans sa voiture, le plan fixe dure une plombe, mais cette fois il est porteur de quelque chose, et si ce n'est pas de sens, c'est au moins d'émotion. On ne quitte pas le monde des gangsters de seconde zone, poisseux et minables, de Reservoir Dogs et Pulp Fiction, mais Tarantino y ajoute des personnages avec une lumière en eux auxquels on peut s'identifier.
Jackie Brown est souvent considéré comme le moins bon film de Tarantino. Je trouve que c'est le seul à posséder une âme.