Admirateurs de la trilogie Jason Bourne si l’impatience vous guette de découvrir l’idée qui a pu convaincre le tandem Paul Greengrass – Matt Damon de rempiler, après avoir refusé plusieurs fois l’appel du studio, sachez que la déception est à la hauteur de l’attente quand se révèle la motivation de ce retour : le besoin pour le réalisateur d’un hit au box-office et sans doute un beau paquet de dollars pour Matt Damon car ce Jason Bourne formulaique au possible n’est qu’un tour de manège en plus qui n’apporte rien de nouveau à l’édifice et invalide certains éléments qui distinguait la série de la concurrence. Ce nouvel opus scénarisé par Paul Greengrass lui-même et non plus Tony Gilroy (fâché avec le tandem et qui avait dirigé le spin-of Bourne Legacy) n’est qu’un remake de La vengeance dans la peau ou chaque personnage est l’analogue d’un personnage du troisième volet et remplit la même fonction narrative . Un lanceur d’alerte menaçant d’exposer les programmes secrets de la CIA se tournant vers Bourne (Julia Stiles après Paddy Considine) , un directeur de la CIA tentant de faire disparaître toute trace de cette affaire (Tommy Lee Jones dans les pas de David Strathairn ou Chris Cooper) avec pour instrument un « asset » tueur de la CIA (Vincent Cassel après Clive Owen , Karl Urban ou Edgar Ramírez) , une analyste de la CIA participant à la traque mais pas hostile à Bourne (Alicia Vikander pour Stiles) et enfin Bourne à la recherche (encore) de toute la vérité (rien que la vérité) sur son passé. La seule trame nouvelle tourne autour d’un entrepreneur du net Aaron Kalloor interprété par Riz Ahmed (Night Call et la série HBO The Night of) qui doit protéger les données des utilisateurs de sa plateforme des visées de la CIA. Voulant honorer la tradition des Bourne comme thriller qui « colle à l’actualité » cette intrigue s’avère toute aussi vague que l’entreprise du personnage et au final purement « utilitaire » son but étant de rassembler tous les personnages sur le lieu du climax.


Là où Tony Gilroy quoi qu’on pense du résultat final avait tenté d’insuffler de nouveaux concepts pour prolonger la série, Greengrass se contente de décalquer, pire, au détour de « révélations » dignes d’une série B (que nous ne spoilerons pas ici) il remet en cause des éléments qui donnaient une dimension tragique (et réaliste) au personnage de Jason Bourne. Coté technique le remplacement de deux des collaborateurs clés : le directeur de la photo Oliver Wood et surtout celui du directeur de seconde équipe/ responsable de l’action, Dan Bradley véritables co-auteurs du « style Bourne » se fait sentir rendant la réalisation de Greengrass impersonnelle. Simon Crane (Mr. & Mrs. Smith, Edge Of Tomorrow) est un bon coordinateur d’action mais si certains se réjouiront de la disparition de la « shaky-cam » force est de constater que l’action perd beaucoup de son caractère viscéral. Le film est bordé par deux grandes scènes d’action, la première une poursuite dans les rues d’ Athènes au beau milieu de manifestations anti-austérité et d’affrontements entre police et black-blocks est une réussite digne des meilleures de la série et colle au feeling alter-mondialiste des Bourne. La seconde un demolition derby dans les rues de Las Vegas est certes spectaculaire mais illustre ce que la série a perdu : trop mécanique , trop bien réglée elle perd l’aspect chaotique des climax précédents.


Coté interprétation Matt Damon est toujours juste dans le rôle, la froideur (un peu antipathique) d’Alicia Vikander sert bien son personnage d’ambitieuse spécialiste du cyberspionnage qui s’avère le seul protagoniste à conserver une certaine ambiguïté, Vincent Cassel est aussi efficace que son personnage de tueur froid « anti-Bourne« . Le bémol coté casting : Tommy Lee Jones devrait vraiment abandonner ces rôles de veilles badernes il apparaît ici tantôt lassé tantôt à la limite de la parodie de vilain. Riz Ahmed et Bill Camp son partenaire de l’excellente série HBO The Night of n’ont pas assez à jouer pour être vraiment jugés. Conclusion : Jason Bourne reste un thriller bien rythmé par le jeu de chat et de la souris entre Bourne et ses poursuivants qui se laisse suivre sans déplaisir mais sans passion. La faute à un scénario paresseux qui se contente de recopier le précédent et des révélations qui invalident des aspects du personnage qui le distinguait des autres espions cinématographiques.

PatriceSteibel
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le 10 août 2016

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