Jason, était-ce vraiment nécessaire ?

Le titre de cette article pose en effet LA question de ce cinquième opus de Jason Bourne : fallait-il en faire un ? La trilogie était excellente, surtout le troisième volet, La Vengeance dans la Peau qui symbolisait l'essence même du film d'action et d'espionnage tout en concluant la série en beauté. D'autant plus que le quatrième Bourne, Jason Bourne : l'Héritage et son échec critique montrait qu'un "reboot" de la franchise n'était pas forcément une bonne idée.


Que nenni ! Enfin, sur certains points ...


Le film reprend l'ensemble des codes qui avait fait de la trilogie Bourne son succès et une rupture vis-à-vis des autres longs-métrages d'espionnage à l'époque (notamment 007) : caméra qui bouge dans tous les sens (certains aimeront d'autres non mais ça reste la signature de Greengrass), les combats à mains nues, des courses-poursuites démentes, la musique de John Powell et "Extreme Ways" de Moby pendant le générique de fin, et surtout Matt Damon, de retour après un bref interlude, dans le rôle qui l'a fait connaître aux yeux du monde. Les scènes d'action sont impressionnantes (celles d'Athènes et de Las Vegas sont jouissives) et se succèdent à un rythme effréné, permettant de garder le spectateur en haleine pendant deux heures. Certes aujourd'hui, tout le monde reprend ces techniques, Doug Liman et Paul Greengrass ont fait des émules à commencer par James Bond sous l'ère Daniel Craig avec un 007 qui fouine dans son passé, un personnage plus dramatique ... etc. Mais cela reste une pâle copie bournienne de mon point de vue, rien ne vaut l'original. J'ai toujours cette bienveillance envers l'artisan, le créateur de ces nouveaux procédés narratifs et techniques donc A+ pour Paul.


Par ailleurs, le contexte du film est particulièrement intéressant. La trilogie était marqué par l'essor du terrorisme islamique surtout La Vengeance dans la Peau qui faisait voyager le spectateur entre Londres, Madrid et New York, des villes victimes d'attentas respectivement en 2005, 2004 et 2001. Ici, dans ce cinquième épisode, la société occidentale y est décrite à bout de souffle, entre les manifestations anti-austérité d'Athènes et les carnages de Londres et de Las Vegas, respectivement les symboles de la finance (Londres étant la première place financière mondiale) et du consumérisme (Las Vegas, quand même !). À ce "désastre" économique s'ajoute la défaillance du système sécuritaire de la CIA face aux multiples échecs pour attraper et tuer Bourne mais aussi à sa tentation dominatrice de vouloir surveiller tout le monde tout le temps comme le révèle l'affaire "Deep Dream", géant de l'informatique américain dont le PDG veut révéler la surveillance massive de l'agence via ses plateformes informatiques. Le rôle des lanceurs d'alerte est également évoqué, le film faisant directement référence à Edward Snowden, et le dilemme sécurité/liberté y est récurrent. Cet enjeu est bien traité malgré son omniprésence dans les scénarios de ces dernières années (le dernier Mission Impossible : Rogue Nation par exemple). Deux sujets contemporains qui ont le mérite d'interpeller tout en restant en arrière-plan. Une critique d'une superpuissance américaine en déclin, de la faillite de son modèle économique et idéologique en somme, comme si Oliver Stone s'était glissé par là ...


Mais sinon, et bien pas grand chose. À commencer par l'intrigue principale : Bourne revient pour comprendre les origines du programme alors qu'un nouveau voit le jour, ainsi que de trouver des explications quant à l'assassinat de son père. Pourquoi pas ? Si c'est bien amené, j'approuve mais là ... Franchement, j'ai l'impression qu'ils ne sont pas allés chercher bien loin pour se faire encore un peu de fric sur le dos de Bourne (je n'ai rien contre l'argent, mais ça se mérite bordel !). Le film se fracasse alors à certains moments à son vide scénaristique alors qu'un film c'est avant tout une histoire. Peu importe le nombre d'artifices mises en oeuvre à côté, si l'histoire reste bancal, c'est tout le film qui va de travers.


Et le twist comme quoi l'atout serait le tueur du père de Bourne est également mal amené : Bourne se souvient en le voyant d'un coup, un peu facile ...


Matt Damon est d'ailleurs très silencieux durant le film et se contente d'agir durant les bastons, point (il n'aurait que 25 lignes au total). Vincent Cassel en tant qu'Atout est décevant également ... Il parle trop pour un Atout en fait, ils auraient dû échanger les temps de dialogue entre Bourne et Cassel.
Tommy Lee Jones remplit le contrat mais sans plus. En revanche la prestation d'Alicia Vikander est fort honorable (en toute objectivité, même si elle fait fondre mon coeur de bonheur), peut-être parce qu'elle interprète le personnage le plus intéressant et le plus complexe du film, jouant entre ses ambitions au sein de l'agence et à sa volonté d'aider Bourne (en apparence ?). Encore une fois c'est une caractéristique bournienne que de faire évoluer des personnages féminins ambigus contrairement aux films de James Bond, avec des "James Bond girl" caricaturales (oui, j'ai une préférence pour Bourne vous aurez remarqué).


Enfin pour répondre à la question, non ce n'était pas nécessaire car le film ne fait pas avancer l'intrigue de la trilogie originale, néanmoins je suis toujours content de retrouver mon amnésique préféré sur grand écran dans des scènes d'action époustouflantes. D'où mon 7/10. Et pour Alicia aussi ... <3

Cinélord
7
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le 11 août 2016

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