Le Retour dans la peau

Il est monnaie courante à notre époque de réutiliser des recettes qui ont fait le succès du passé. L'exemple type étant un certain film sorti en 2012, reprenant dans les grandes lignes l'univers de Jason Bourne. N'étant pas à la hauteur, autant dans les enjeux que dans la démonstration, ce film a néanmoins soulevé une épineuse question : Peut-on imaginer un avenir pour Jason Bourne ? Un avenir dans lequel celui-ci, après avoir recouvré la mémoire, serait à nouveau impliqué dans la lutte contre ses anciens patron. La réponse, est parvenu sur nos écrans cette semaine, et ironiquement, elle s'appelle Jason Bourne.

Après une vengeance dans la peau qui devait signer la fin de son parcours, on pouvait s'imaginer un destin des plus paisible pour l'agent secret au passé tumultueux. A moins que ce ne soit ce dernier qui ne le rattrape encore une fois pour servir de prétexte à une suite. C'est justement ce à quoi on assiste dans cet opus, dans lequel Jason est forcé de rempiler pour, non pas élucider son passé, mais tenter de le comprendre et y donner un sens. On nous présente donc un Bourne fatigué, esquinté, et véritablement brisé par ses exploits précédents. Même après s'être souvenu de tout, des fragments de son passé reviennent encore à lui sous forme de flashs, et nous replongent dans toute la fragilité et la complexité du personnage. On en revient à la base de ce qui fait que Bourne est Bourne : pourquoi s'est-il engagé en premier lieu ? Toute cette machination complexe qui fait intervenir des personnages jouant souvent double jeu arrive à rester cohérente tout au long de l'intrigue, tout en se développant dans une atmosphère tristement juste et d'actualité (La Big Data et la liberté, Snowden...).

L'ambiance est très fidèle aux opus précédents, et même si certaines scènes sonnent un peu comme du déjà vu et n'arrivent pas à recréer l'intensité des scènes originales, le tout reste quand même très efficace et constitue un spectacle des plus réjouissants. Si vous êtes un fan de la première heure, tous les éléments sont là pour vous mettre en confiance : combats à mains nues sophistiqués, caméra épileptique, course poursuite sans fins, machinations complexes à plusieurs tiroirs, personnages à la duplicité plus que douteuses, et bien évidemment, Moby. Ce Jason Bourne arrive à livrer une combinaison efficace de tous ces éléments. Le scénario parvient à livrer son lot de surprises et de rebondissements, et à donne suffisamment de place à l'ensemble des personnages, qu'ils soient vétérans de l'écran (Tommy Lee Jones, parfait en haut placé de la CIA), ou nouveaux venus dans l'univers de Bourne.

Ce nouvel opus façonne un aspect supplémentaire du personnage, à savoir celui du justicier qui a nagé trop longtemps dans les eaux troubles pour fermer les yeux sur les manipulations qui se trament au dessus de nos têtes, et qui va traîner dans les parages histoire de donner un coup de main. Tout ceci lui donne une réelle crédibilité dans ses motivations, qui se marient à merveilles avec le ton du film, dans un monde de surveillance et d'informations.

Il reste quand même une interrogation : ce Jason Bourne était-il réellement nécessaire ? Les enjeux générés par cet opus sont largement suffisants pour créer une suite. L'ensemble est cohérent avec son époque, avec la saga d'origine, et le passé de Bourne semble ne pas trop souffrir de la sur-exploitation (encore que...). Néanmoins, la question reste toujours valable quant à l'utilité d'un nouveau volet des aventures du personnages, car même si le spectacle constitue un bien meilleur cru que la tendance actuelle, il faudra tout de même songer à ne pas trop tirer sur la corde, de risque de le vider d'absolument toute substance pour livrer un banal film d'action (comme on en voit déjà les prémices dans celui-ci). En attendant, Jason Bourne est de retour, en forme, et on lui souhaite toute la réussite possible.