Depuis son premier long-métrage Libertad dont le titre sonnait comme un programme, Lisandro Alonso épure son cinéma comme sa narration des ficelles classiques, pour mieux chercher une altérité, un ailleurs, et Jauja déplace ce paradigme sur un fond de western patagonien, baigné de mélancolie et de folie.
Mélancolie d’abord : celle d’un déplacement physique - en plein cœur d’un désert infécond où toujours le ciel dispute à la terre le cadre restreint - de deux apatrides danois, père et fille déliés que le destin place au milieu d’une conquête inutile, la recherche par des conquistadors de Jauja, absurde Eldorado.
Folie ensuite qui mettra le récit et ses personnages en branle : première d’entre elles, la fuite romantique de la jeune Ingeborg entraîne son père dans une quête hallucinée où les plans fixes le montreront interroger du regard des paysages mutiques, à tel point qu’on se demande si c’est encore sa fille qu’il espère y trouver. Quand il se sera tout à fait plonger dans l’abstraction des alentours, le capitaine Dinesen - nouveau Marlow hanté par l’invisible Zuluaga - trouvera, à l’aide d’un chien, une anfractuosité dans la roche, passage métaphysique par lequel la prospection s’arrête et où le mystère se donne à voir sans se laisser expliquer.


L’achimiste Alonso offre à Jauja un final magique en transmutant en quelques plans les époques, les lieux, les noms et les saisons, sans pour autant altérer la cohérence de son film, fable de la perdition.

Corentin_D
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2015

Créée

le 17 mai 2015

Critique lue 244 fois

C DD

Écrit par

Critique lue 244 fois

D'autres avis sur Jauja

Jauja
Hypérion
7

L'errance absurde et magnifique

J’ai vu un film étrange. Dans le désert de Patagonie, un danois parlant espagnol recherche sa fille, la troublante Ingeborg, enfuie avec un soldat de garnison. L’histoire de Jauja ne se développera...

le 27 avr. 2015

19 j'aime

3

Jauja
cinematraque
10

J'aura vu un grand film !

Et dire que j’y suis allé un peu par hasard… Je n’étais pas censé écrire d’article dessus, mais j’avais un petit temps libre dans mon périple cannois et en plus, avouons-le, la présence du grand...

le 20 mai 2014

13 j'aime

Jauja
Electron
7

Où Corto n’est pas un marin à casquette

L’essentiel de l’action se passe en Patagonie (Argentine) dans une région assez désolée (bord de mer) et une alternance de plaines arides, d’autres un peu plus vertes, des marécages et un terrain...

le 2 mai 2015

12 j'aime

7

Du même critique

Nocturama
Corentin_D
5

Comme d'habitude

Entre les rames, quelque chose se trame. La marche semble aléatoire, la démarche beaucoup moins : en silence, des jeunes s’infiltrent dans le métro parisien, déambulent le visage grave et décidé, ...

Par

le 16 juil. 2016

18 j'aime

2

Sophia Antipolis
Corentin_D
7

Terres brûlées

Après le paradis consumériste d’Andorre (2013) et les tours jumelles de Mercuriales (2014), la caméra de Virgile Vernier scrute un nouveau front pionnier, Sophia Antipolis, technopole en forme...

Par

le 6 nov. 2018

17 j'aime

2

La Captive
Corentin_D
9

L'origine du monde

La Prisonnière, passant du livre à la pellicule, est devenue Captive. Et si certains films étouffent de leur héritage littéraire, Chantal Akerman a su restituer et utiliser la puissance évocatrice...

Par

le 18 mai 2015

15 j'aime