Jesuislà est un film retors car les vingt premières minutes du film ne vous préparent volontairement pas à ce qui va suivre. En effet, le spectateur a tout juste le temps de se baigner dans la vie de Stéphane Lucas pour comprendre que sa vie de restaurateur de province ne lui convient plus assez et que son goût pour des conversations virtuelles avec une Coréenne beaucoup plus jeune que lui occupe toute ses pensées.Ce qu’on ne voit pas clairement dès le départ, et qui brouille habilement les pistes, qui de Soo ou de Stéphane a commencé cet échange virtuel? Avec la réponse à cette question, il n’y aurait plus l’histoire inattendue de #Jesuislà. En effet, Thomas Bidegain (scénariste du film) mise sur le caractère original et fantasque de Stéphane pour nous faire voir, qu’à travers ses yeux, son voyage en Corée sur un coup de tête est dans l’ordre logique des choses. C’est finement joué tant et si bien que le spectateur est dérouté par l’enchaînement des événements sur le sol coréen. Pourtant, la déconnexion du réel de Stéphane ne date pas de sa rencontre virtuelle avec Soo comme le suggère la scène du mariage où le restaurateur découvre la vérité cachée d’un de ses fils.Vous l’aurez compris: avec #Jesuislà la destination compte plus que le voyage et vous pousse à comprendre la mécanique intérieure d’un homme et ce qui s’est passé pour qu’il en arrive là. Ce chemin parfois tortueux et déroutant vaut pourtant la peine d’être emprunté car il nous invite à ne pas prendre des vessies pour des lanternes.Alain Chabat, ( tel Bill Murray dans Lost in Translation questionnant son rapport au monde, donc à ses propres affects) est extraordinaire dans une partition lui permettant d’osciller entre le clair et l’obscur de l’humain. Comme si un Pierrot lunaire coexistait avec un bonze de pleine conscience.Entre le ying et le yang même si le «nunchi », forme d’intuition empathique, ne le parcourt pas encore selon Soo. Peu importe, car Stéphane, aura été à la découverte de lui-même dans cet odyssée et ses interactions avec les autres peuvent se voir comme de subtils enseignements. Si vous aimez, les films qui vous remuent et jouent avec votre appropriation du monde, #Jesuislà pourrait vous parler.Si les considérations métaphysiques vous gonflent, abandonnez juste l’idée d’aller le voir. L’acceptation de ne pas tout maîtriser et de se frayer des chemins dans des strates de compréhension faisant tout l’intérêt de ce film ne se donnant pas au premier venu.

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le 7 févr. 2020

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