Jubilation: sur un nuage, on s'interroge sur la mort ...hein!?

Ovni Belge dont le dispositif (montage, image, son, jeu d'acteur) décalé par rapport à l'histoire interroge sur le fond, crée de la curiosité et donc de l'intérêt et de l'attachement.


Le film commence effectivement par la naissance et termine par la mort, qui est elle-même en quelque sorte une renaissance qui fait écho à ces symboliques de cercle : comme le cercle de la vie mais aussi sa vie à lui, qui tourne en rond (machine à laver, balançoire pneu, gros plan sur les horloges (rapport au temps qui passe, la mort se rapproche...). Le film est d'emblée bizarre mais le style est assumé et bien dirigé dans une évolution de cadrages frontaux (types cartes postales) vers des cadrages plus serrés. Judicieux de la part de Xavier car ce qui nous semblait d'abord étrange et bizarre nous est maintenant proche et familier.


Une désinvolture caractérielle dans le jeu d'acteur qui détache le sujet de fond théoriquement lourd et grave: la mort, la mort dans la vie. Et c'est cette ambiguïté qui crée cet état vaporeux sur le sujet du film. L'image noir et blanc renvoie à cette idée de mort dans la vie et nous installe, nous spectateur, dans un plaisir inédit de vie mouvante à l'écran grâce à ces acteurs poétiquement fragiles et maladroits. Ce décalage entre le fond et la forme permet l'humour noir en toute décontraction et est jubilatoire en toute décomplexion.


Est ce de l'ironie? Ah non, c'est pire. Subtil abord qu'est le grotesque. Mais grotesque tout court ne suffit pas à faire un bon film, on en éprouverait que du dédain. Le rapport avec ce dispositif décalé crée la poésie qui porte le film et n'empêche, tout au contraire, les rires aux éclats.


Un montage tendancieux dans l'ironie des résonances d'une scène à l'autre (ex: il se palpe les seins, puis gros plan sur l'orange pressée dans la cuisine...). Coups de génie du réalisateur qui me fond penser que soit son scénario était extrêmement pré-découpé voire qu'il ai fait des repérages du lieu de tournage car les éléments de décor sont utilisés avec subtilité à des fins marrades; soit que c'est un illuminé des tournages. Deplus tout vient à point : des sensations répétées, mises en place par les dispositifs sensoriels dignes du cinématographe, font émerger en nous une idée: cest à ce moment là qu'un indice vient confirmer cette idée. En tous les cas un réalisateur qui donne raison aux sensations du spectateur, ça cest la vie... Euh le cinéma!


Aussi surprenant que bouleversant. Ce que les Américains n'arrivent à faire qu'instantanément. Or (selon moi) un bon film est un film qui reste.


Seul élément ambigu pour ma part: ce rapport au genre. Je m'explique, Michel développe les symptômes du cancer du sein de sa mère. Plus tard, dans son désespoir, il passe la soirée avec un mec portant une longue queue dans son dos et c'est alors qu'ils fanfaronnent devant un mur où la caméra s'attardent sur un tag portant les mots: ☑️FUCK... ◽️HOMME ... ◽️FEMME ... Seule la case 'FUCK' porte une coche. Dans le contexte dramaturgique, Michel se fait larguer par sa copine dans la suite des événements. Le discours de Xavier Seron semble tendre, de manière sous-jacente, vers les conséquences d'une l'hypocondrie maladive que le passif Michel a laissé couler sur lui et emporté au passage, son identité. ?... Mystère d'intention.


Et même sans y voir cette analyse, cette œuvre est tout simplement délicieuse, pour son humour noir et sa bande sonore incroyable (signée Thomas Barriere).


Du cinéma belge ♥️

Zélie_Vs
8
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le 17 mai 2016

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Zélie Vs

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