Tout sauf anodin, "Je ne suis pas un salaud" est un film français qui raconte un mal français; la marginalisation des gens ordinaires.


Eddy est un trentenaire sans emploi, sans argent, sans amis. Il passe ses journées entre Pôle emploi et le bar PMU du coin, il boit trop, il dort peu.
Un soir, en raccompagnant une fille chez elle, il se fait passer à tabac par un groupe d'ados qui le laisse dans une mare de sang. Il devient alors une victime héroïque, un homme valable, visible, qui mérite d'être aidé. Son agression lui donne comme une excuse pour la période de gâchis qu'il a connu avant.
Il réintègre la société qui s'était désintéressée de lui: il revient vivre chez sa femme et son fils, on lui propose un emploi. Mais après une si longue absence du monde "civil", il n'est pas si simple de redevenir quelqu'un.


Eddy a la trentaine et il semble déjà en bout de course. Il voudrait être vendeur, on lui propose d'être caviste. Il voudrait s'amuser mais ne peut plus boire. Même une télé plasma, il ne peut pas se la payer, en dix fois... Eddy subit les petites humiliations du quotidien: il ose demander son salaire (un petit SMIC, c'est bien non?), il voit son manager draguer sa femme (c'est plutôt gentil non?), son fils d'une dizaine d'années le traite en copain (normal, il n'a pas le portefeuille d'un adulte).


Ce qui nous marque particulièrement chez Eddy c'est ce sentiment de vide et d'isolement. Eddy n'a aucun ami et méprise tout le monde. On a le sentiment qu'il est déjà foutu et on ne sait pas bien pourquoi. Le défaut d'Eddy finalement est d'être tragiquement ordinaire, de n'être ni talentueux, ni désinvolte, ni drôle. Son agression l'a rendu extraordinaire quelques jours et puis…plus rien.


Conscient qu'il est incapable d'être un héros, Eddy décide inconsciemment d'être un salaud en dénonçant un agresseur innocent, quitte à ruiner sa vie sociale.
Le cœur du film d'Emmanuel Finkiel se situe dans cet interstice: il est parfois plus simple d'affronter une colère collective qu'un mépris silencieux. On ne sait pas bien si Eddy fait exprès dès le départ de pointer du doigt un anonyme ou si la honte de s'être trompé, la peur de perdre sa crédibilité tout juste retrouvée vis-à-vis de sa famille et de la société l'empêche de revenir en arrière. Eddy sent qu'il n'a plus le droit à l'erreur. Il n'est pourtant pas vieux mais donne le sentiment d'avoir déjà gâché sa vie et de ne plus pouvoir la rattraper.


Sans être un chef d'œuvre, ce film interroge par son constat, sa sincérité, son réalisme et sa scène finale qui sonne comme un avertissement et balance une belle claque.

C-L
7
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le 8 mars 2016

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C-L

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