L'antagoniste de Morgan Freeman !
Quelle claque.
Oubliez le pathos à l'extrême, les larmes inutiles, des heures de dialogues indigestes pour nous faire ressentir la souffrance, nous pauvre spectateurs un peu cons. C'est vrai on a besoin d'aide pour nous faire pleurer ou tout simplement ressentir la moindre émotion, quelques notes de piano par ci, quelques longueurs par là, tout est bon pour être sûr que les idiots à qui on va présenter le film comprennent le bien fondé et la portée ingénieuse d'une oeuvre. Et bien Messieurs, je vous recommande fortement de vous installer confortablement dans votre canapé et de visionner " Je suis un évadé ".
Vous allez être surpris, en seulement 90 minutes, on suit la vie d'un homme victime d'une injustice abjecte et de l'absurdité du système, un Pierre Richard avant l'heure brun et avec deux chaussures identiques qui a travers son regard nous fera vivre avec lui son calvaire sans jamais avoir à forcer le trait. Pas un seul temps mort sans pour autant se presser, un rythme effréné capable aussi bien d'aborder une évasion bien fichue que l'ascension sociale, la dénonciation de procédures ou encore les conditions inadmissibles des travaux forcés. Malheureusement pour notre héros, on a pas toujours sous la main un Henry Fonda qui se pose les bonnes questions avant d'agir ni un James Stewart capable de se retourner contre une assemblée entière pour mettre en évidence une corruption. Et si un film comme Chantons sous la Pluie dessine un sourire immédiat sur notre visage, " Je suis un évadé " nous inonde d'un sentiment de révolte. Dans l'un on a envie de siffloter toute la journée, dans l'autre on a envie de lever le poing et de révolutionner le monde contre l'amas de conneries qu'on vient de subir.
Aidé par une réalisation sobre aux choix pertinents, je prends pour exemple cette séquence dans laquelle notre protagoniste suite à des parole jugées insolentes se trouve contraint de subir une multitude de coups de fouets. La caméra utilise alors la force du hors champs et préfère s'attarder sur le malaise des codétenus plutôt que de s'appuyer sur la douleur rendant la scène nettement plus mémorable. Comme quoi tu vois McQueen, tu n'avais pas besoin d'en faire des tonnes avec ton imbuvable Twelve Years a Slave.
Une poignée de notes pour ce petit bijoux est loin d'être suffisante, un film touché par la grâce et porté par un personnage auquel on s'identifie aisément interprété par un Paul Muni en transe. Un homme coupable d'un seul et unique crime, celui d'aspirer à la liberté, un doux rêve inaccessible pour lui que son bourreau porte les traits d'une jeune femme avide ou d'une prison suffocante. Une composition haletante qui montre un système méprisable qui préfère détruire la vie d'un homme plutôt que de reconnaitre ses torts, quelle claque.