Le visionnage du film au cinéma en 2007 avait été décevant. Ayant entraîné mes amis, exalté par la bande-annonce, j’en étais sorti affreusement mitigé, mon enthousiasme refroidi par certains points que j’avais du mal à accepter, comme sa conclusion.


Bien longtemps après, il est donc temps de lui redonner sa chance, confiant grâce à la possibilité de visionner une version alternative avec une fin complètement différente. Et du coup je spoile non pas une mais deux fins.


Nouvelle adaptation du roman de Richard Matheson (et une fois encore qui s’en éloigne sur beaucoup de points), la production de Warner Bros mit près d’une décennie avant de se concrétiser, mais en s’en donnant les moyens avec un budget de 150 millions de dollars.


C’est Will Smith qui est au centre du film, lui qui est alors un des acteurs les mieux payés d’Hollywood. Son cachet n’est probablement pas pour rien dans ce budget faramineux, mais l’ancien Prince de Bel-Air offre pourtant une prestation assez bluffante, lui dont le personnage s’est choisi une mission qu’il endosse comme une responsabilité mais qui pourrait lui couter la vie, et elle a déjà égratigné sa santé mentale.


Certes, il est bien pratique d’avoir fait de Robert Neville un officier de l’armée doublé d’un chercheur en virologie. Il peut ainsi organiser une vie assez militaire et bien organisée tout en continuant des recherches sur un virus qui a décimé New-York. Cette pandémie qui s’est déclarée en 2009 (et non pas en 2020) a entraîné la quarantaine de New-York, Neville ayant décidé de rester dans l’épicentre de la propagation. Mais s’il cherche à trouver une solution, grâce à son labo dans une maison transformée en refuge, il doit faire attention aux infectés, des mutants qui sortent la nuit faisant preuve d’une grande bestialité. Parallèlement, la vie continue malgré tout, ou du moins un autre quotidien : il cherche des survivants, mais aussi de quoi survivre et en maintenant un certain confort et quelques habitudes pour l’empêcher de sombrer. Il n’est pas seul, il peut compter sur son fidèle berger allemand, le compagnon de tous les jours, Sam.


L’introduction du personnage se fait de pair avec la découverte de ce nouveau monde, où l’humanité n’est plus qu’un fantôme, ayant laissé derrière elle un décor progressivement envahi par la nature, où végétation et faune récupèrent un nouveau terrain pour vivre. C’est cette vision post-apocalyptique qui avait tant captivé mon attention dans la bande annonce, avec cette déchéance de l’espèce humaine si originale (et aussi un peu espérée) pour le jeune adulte que j’étais. Il faut reconnaître avec le recul que les moyens ont été mis, qu’il est assez bluffant de retrouver des décors si habituels dans notre culture collective mais dans un tel état, où le délabrement est commencé, mais les traces humaines sont toujours là, comme des témoignages qui se feront de plus en plus lointains.


L’espoir est alors bien fragile, sans cesse remis en question. Il ne semble pas y avoir de survivants, il ne semble pas y avoir de remèdes. La quête de Neville semble condamnée, mais il reste déterminé. C’est pourtant une incursion malencontreuse dans le territoire des mutants qui va faire basculer le mental de l’officier/scientifique. Bien que préparé, alors qu’il semblait suffisamment organisé pour toute situation, on le découvre inquiet, pas loin d’être terrifié. Le film présentant alors des scènes particulièrement angoissantes qui nous rappellent la menace de ces infectés, puisque même le droit Neville en a peur. Mais ce passage va aussi entraîner une suite d’évènements, où les deux camps ne pourront plus s’éviter. Les mutants semblant alors démontrer des capacités nouvelles.


La fin alternative s'appuie sur ce point, qui leur offre une nouvelle place, une raison d’être dans ce monde. C’est une ouverture à l’altérité qui est ici dessinée, mais qui se fait contre le personnage. Richard Neville endosse alors un rôle plus ambigu, et même malsain dans son entêtement à vouloir les guérir. De nouvelles pistes se créent sur cette remise à plat de la situation connue ou sur la responsabilité de Neville, qui permettent de créer de nouvelles nuances. Mais cette fin qui avait été boudée par le public lors de la projection test n’est pas sans défauts, le nouvel équilibre qui se crée se fait assez difficilement, la faute à des réactions tout de même un peu trop exagérées.


Quand à la fin voulue par les producteurs, l’amertume est dissipée, pour une conclusion bien plus hollywoodienne, avec un sacrifice contre la menace bien héroïque et un espoir enfin présent. Les survivants qui se joignent à Neville trouvant alors la réponse à leurs attentes.


C’est d’ailleurs avec l’ajout de ces personnes que le film prend une tournure malheureuse, avec cette jeune femme Anna et cet enfant Ethan. Alors que Neville perdait la raison, leur arrivée miraculeuse ne se fait certes pas sans heurts, notre héros ayant perdu quelques notions de conventions sociales, mais le tout s’arrangera bien assez vite.


Mais cette arrivée se fait bien trop facilement, et alors que Neville avait été suffisamment introduit, et qu’on comprenait comment il réussissait à survivre, ces deux personnages sont présentés sans s’attarder. Neville avait pu survivre parce qu’il était aussi un soldat, mais c’est comme si ces deux survivants avaient pu arriver jusque là avec une certaine facilité, sans aucuns sacrifices.


Les deux personnages sont donc assez creux, ajoutés un peu facilement. Mais le film explique la détermination d’Anna par sa foi, elle est convaincue de l’existence d’un groupe de réfugié parce que Dieu l’aurait voulu ainsi. Ce à quoi Neville est furieusement opposé.


Et c’est d’ailleurs sur ce point que sera centré la fin cinéma, oubliant l’altérité des mutants. Neville se sacrifiera, convaincu qu’Anna a raison, lui permettant à elle et à Ethan de partir à la recherche de ce groupe. Ce qu’elle finira par trouver, et dont la construction centrale, celle qu’on voit en premier dès que les portes s’ouvrent, n’est autre qu’une église.


Cette fin m’avait fait enrager, offrant un salut chrétien qui ne pouvait que difficilement mal passer. Malgré la fin du monde, ou presque, il restait un espoir, il fallait continuer de croire en Dieu qui ne les avait pas abandonnés. Avec le recul, cette fin reste maladroite, semblant rassurer avant tout un public américain qui avait vu pendant les 100 précédentes minutes une Amérique qui avait perdu face au virus et face aux méchants mutants. Un pays qui pouvait toujours se relever, dans le contexte d’un 11 Septembre encore récent et douloureux. Mais cette incursion de la foi est malvenue, les joyeux dénouements habituels d’Hollywood s’en passant d’habitude pourtant assez bien.


Quel dommage donc que ces deux personnages viennent gâcher un film qui avait pourtant démontré toutes ses qualités. Réalisé avec attention, sachant jouer sur des ambiances différentes mais tout en gardant une certaine inquiétude dans le ton, la reconstitution de ce monde de l’”après” est sidérante et la personnalité de Neville garde l’attention, grâce à ses traits forts tout comme ses failles. Je suis une légende fait partie de ces bons films de cette décennie, dont on pourra quand même regretter certaines caractéristiques hollywoodiennes un peu trop faciles, et surtout rejeter sa fin “officielle”.

SimplySmackkk
7
Écrit par

Créée

le 11 nov. 2020

Critique lue 336 fois

22 j'aime

12 commentaires

SimplySmackkk

Écrit par

Critique lue 336 fois

22
12

D'autres avis sur Je suis une légende

Je suis une légende
Troll
3

Je suis un fumiste

Médaille d'or de la trahison du matériau d'origine, ou comment transformer une oeuvre subtile s'interrogeant sur la nature de la civilisation en ode pompier à la gloire de l'oncle de Sam. J'attends...

le 15 juin 2010

65 j'aime

2

Je suis une légende
Hypérion
4

Le scénariste était un stagiaire en photocopies

J'ai eu l'impression de regarder un passage de Fallout avec plein de goules enragées. Mais ça avait la saveur d'un Fallout 3... Passsons outre une plaisanterie qui ne fait rire que moi. Pourquoi 4 ...

le 16 févr. 2011

54 j'aime

10

Je suis une légende
SnakePlissken
4

Critique de Je suis une légende par SnakePlissken

Pour ceux qui ont lu le roman éponyme de Richard Matheson, qui est censé avoir inspiré le film, ce dernier est une hérésie. La fin du film est un contre-sens majeur dans l'explication du titre de...

le 21 janv. 2011

50 j'aime

11

Du même critique

Calmos
SimplySmackkk
8

Calmos x Bertrand Blier

La Culture est belle car tentaculaire. Elle nous permet de rebondir d’oeuvre en oeuvre. Il y a des liens partout. On peut découvrir un cinéaste en partant d’autre chose qu’un film. Je ne connaissais...

le 2 avr. 2020

49 j'aime

13

Scott Pilgrim
SimplySmackkk
8

We are Sex Bob-Omb and we are here to make you think about death and get sad and stuff!

Le film adaptant le comic-book culte de Brian aura pris son temps avant d'arriver en France, quatre mois après sa sortie aux Etats-Unis tandis que le Blu-Ray est déjà sur les rayons. Pourquoi tant de...

le 5 janv. 2011

44 j'aime

12

The King's Man - Première Mission
SimplySmackkk
7

Kingsman : Le Commencement, retour heureux

En 2015, adaptant le comic-book de Mark Millar, Matthew Vaughn signe avec le premier KingsMan: Services secrets une belle réussite, mêlant une certaine élégance anglaise infusée dans un film aux...

le 30 déc. 2021

39 j'aime

12