Aussi fou que cela puisse paraître, l'année 2018 ne compte exceptionnellement pas de remakes en prises de vues réelles chez les Studios Disney, la moitié de leurs productions étant originale dans le sens où ce n'est pas pillé sur leur propre filmographie (Un Raccourci dans le Temps, Casse-Noisette et les Quatre Royaumes) et l'autre moitié étant en fait des suites à leurs grands classiques dont Le Retour de Mary Poppins pour les fêtes de Noël et Jean-Christophe & Winnie pour les vacances d'été.


Entre plusieurs blockbusters, il arrive parfois que la boîte aux grandes oreilles veuille des sujets et des budgets plus modestes, allant jusqu'à déterrer ou régénérer de vieilles licences ayant pourtant des chances de profit très minces. La franchise Winnie l'Ourson en est la preuve par excellence. Les films n'ont jamais brillé commercialement dans les salles de cinéma, le grand public les assimilant à des œuvres enfantines sans intérêt pour les adultes, mais ont toujours rapporté gros sur le marché vidéo et les produits dérivés.


Jean-Christophe & Winnie répond donc quelque part à ce problème, faisant vieillir le petit garçon qui se projetait dans la Forêt des Rêves Bleus et voulant faire vibrer la fibre nostalgique des anciens fans. Disney font donc leur Hook personnel et, bien qu'ils suivent les événements du dessin animé de 1977 (le générique d'ouverture les montrant avec des illustrations fidèles aux livres d'Alan Alexander Milne), prennent la décision de rendre ce monde réel dans l'univers du film.


On pouvait redouter le syndrome Alice au Pays des Merveilles, l'idée de base étant sensiblement la même, mais Jean-Christophe & Winnie en évite les pièges. À l'exception de Coco Lapin et de Maître Hibou qui ne semblent pas être à leur place, tous les personnages ont été redesignés de façon à ressembler à leurs versions animées et à de vraies peluches, d'où leur aspect usé, délavé, décoloré. En progressant dans un décor naturel, où juste un brin de soleil peut changer l'atmosphère du paysage, ces poupées de laine arrivent à la fois à être crédibles et à se démarquer de l'arrière-plan. Pas de mauvais goût ou d'atrocité numérique donc.


Aucune errance non plus concernant le scénario. Marc Forster retrouve l'efficacité émotionnelle de son Neverland en traitant du rapport à l'enfance et des relations familiales. La famille de Jean-Christophe parvient à dégager beaucoup de charme, Hayley Atwel et Bronte Carmichael partageant de jolies scènes ensemble où le lien mère/fille fonctionne naturellement. La simplicité des enjeux fait particulièrement plaisir. Outre un premier acte d'exposition (avec un excellent montage sur l'évolution de Jean-Christophe), la deuxième demi-heure consiste uniquement à retrouver les compagnons de Winnie tandis que le troisième tiers voit ces derniers monter une "expotition" pour sauver leur ami. Une intrigue totalement ancrée dans l'esprit de Winnie l'OursonForster fait joyeusement interagir nos personnages préférés avec des éléments du Londres du milieu du XXème siècle.


À ce titre, le duo formé par Jean-Christophe et Winnie est réjouissant. Ewan McGregor fait honneur à sa réputation, l'acteur est impeccable tout du long de l'histoire et Jim Cummings reprend avec brio la voix de l'ours de peu de cervelle. Son habitude à tout prendre au premier degré et à parler avec sincérité servent aussi bien les moments comiques que les instants de réflexion. Il est utilisé et écrit comme il faut. Exactement comme les clins d’œil aux précédents métrages qui sont raisonnablement dosés (Sacrée Journée pour Bourriquet avec l'âne qui se laisse emporter par la rivière, le couplet repris de Mains en l'Air qu'entonne Winnie lors de sa gymnastique, les Éfélants et les Nouifs, etc...).


Enfin, la cerise sur le gâteau, Jean-Christophe et Winnie signe le grand retour d'une légende de la musique, Richard M. Sherman, travaillant pour la première fois sans son défunt frère. Sur les trois nouvelles chansons qu'il a composé, deux d'entre elles ont été malheureusement recalées au générique de fin, les sympathiques Christopher Robin et Busy Doing Nothing. Celle restant est heureusement la meilleure et est diablement entêtante, Goodbye, Farewell, qui prouve que le vieux monsieur n'a rien perdu de sa magie.


Tout comme Peter et Elliott le Dragon, Disney visent juste dès qu'ils se lancent dans des projets plus humbles et qu'ils optent pour la simplicité et la poésie. Jean-Christophe & Winnie a beau comporter des failles (le patron joué par Mark Gatiss complètement ridicule, un humour parfois forcé, une fin trop facile et mièvre), il est raconté avec du cœur et est un beau cadeau pour tous ceux qui souhaitaient retourner une dernière fois dans la Forêt des Rêves Bleus.

Créée

le 6 août 2018

Critique lue 2.2K fois

42 j'aime

8 commentaires

Walter-Mouse

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

42
8

D'autres avis sur Jean-Christophe & Winnie

Jean-Christophe & Winnie
Behind_the_Mask
7

Au pays des glands et du miel

Jean-Christophe a grandi. Et les pages de sa jeunesse se tournent dans un prologue à mi-chemin entre le classique bouquin ouvrant les films Disney de l'âge d'or et celui de Là-Haut, en (beaucoup)...

le 30 oct. 2018

28 j'aime

5

Jean-Christophe & Winnie
m-claudine1
8

Disney Channel et le retour à l'enfance

Dans les années 80, le samedi soir, passait sur FR3 une émission qui réunissait grands et petits au salon. Disney Channel, qui ne serait diffusée en France que bien des années plus tard, nous...

le 31 oct. 2018

22 j'aime

11

Jean-Christophe & Winnie
Tonto
9

Mais ourson les neiges d'antan ?

Depuis que Jean-Christophe (Ewan McGregor) a quitté la Forêt des Rêves Bleus, Winnie l’Ourson se sent seul. Seul, il l’est d’ailleurs littéralement le jour où il se réveille et ne trouve plus aucun...

le 18 mars 2019

16 j'aime

7

Du même critique

Star Wars - Les Derniers Jedi
Walter-Mouse
7

Girouette

Conséquence inévitable de la fermeture brusque de l'Épisode VII, Les Derniers Jedi s'ouvre sur un texte défilant dont le contenu est à peu de choses près exactement le même que celui du Réveil de la...

le 14 déc. 2017

197 j'aime

50

Solo - A Star Wars Story
Walter-Mouse
5

Qui a éteint la lumière?

Légère entorse à la règle. Kathleen Kennedy rompt temporairement sa promesse de ne lancer des films indépendants dérivés de l'univers Star Wars qu'à partir de sujets originaux pour consacrer son...

le 23 mai 2018

127 j'aime

28

Coco
Walter-Mouse
9

Ce n'est qu'un au revoir

Coco pourrait très bien marquer un tournant dans l'histoire de Pixar. Jusqu'à présent, le studio de Luxo Jr. s'était toujours spécialisé dans les œuvres contemporaines au regard porté sur l'avenir et...

le 26 nov. 2017

111 j'aime

6