Néchronologie d’un cinéma qui se meurt.


2034 :
« Et voilà, ma fille. Ceci, c’était 2001, l’odyssée de l’espace. »
« Ouah ! J’adore ! »
« Et encore, je ne t’ai pas montré les incroyables films des années 70 et des années 80. Avec quelques grandes pépites dans les années 90. Tu as encore beaucoup de choses à voir. »
« Et les années 2000 ? Et 2010 ? »
« Oh ! Un marchand de glace, je vais t’en acheter une. »
« Mais il n’y a pas de marchand de glace… »


2020 :
Quelle humiliation… J’ai honte de vivre en cette décennie cinématographique et pour la prochaine à suivre.
Anal Génocide a stipulé maintes et maintes fois qu’il y a un impôt sur la connerie des gens pour les films Marvel, Tuches et compagnie. Mes regrets, mon cher Moizi, mais pour moi, tu en fais partie toi aussi. Retrouver notre argent dispersé dans tous les coins de la cinématographie française a de quoi m’angoisser. De combien de merdes j’en suis le père ? De combien d’enfants attardés ai-je pu produire ? Fonzy, tout comme moi, a essaimé sa dépression à travers les quatre coins de chaque cinéma et il ne veut pas avoir à payer les pensions alimentaires pour avoir creusé un peu plus le fossé qui nous sépare des bons films.
Imaginez qu’étant de bonne conscience, j’ai eu l’idée d’aller me voir un film. Pour une occasion. Comme ça. Sans réfléchir. Et-y pas qui voilà sur la page du CGR, UGC et j’en passe ? Mes rejetons déshérités. Nénette dans les Cévennes. Police. Un pays qui se tient sage. Tous On y retrouve définitivement mes traits. Là le nez, ici la bouche, et là mon cul.



  • Films à morales politique avec une boussole qui pointe toujours à gauche.

  • Films intimistes de ruraux, de bobos, ou de vieux et vieilles qu’on a kidnappé de l’EHPAD.

  • Films esthétiques, dont l’esthétique est davantage plastique qu’éclectique.

  • Films sociaux au portefeuille garni à l’inverse de ceux dont ça parle.


Payer pour voir Jeannette et se rendre compte que notre argent est parti acheter du café en renfort. Du café, des stimulants, drogues en tout genre, de quoi réussir à garder les yeux à l’écran. Demandez même à ce que Piper Blush vous fasse un cours de français durant la projection et on a assez pour tenir durant les 1 h 40 qui s’allongent. Souhaitez de tout votre cœur que la théorie du Big Crunch soit fausse car vous n’aimerez pas revivre votre heure passée dans ce cinéma ce jour-là. Vous ne souhaiteriez pas retrouver la salle vide, les toux, les rires, les ronflements et le caviar qui colle aux chaussures (oui, ce n’est pas du pop-corn qu’il y a par terre dans les cinémas d’auteurs.)
Ce cher Moizi. Toujours présent pour nous empiffrer le derche de lutte des classes. Mais on a les films qu’on mérite aujourd’hui ! Si Marvel et consort nous envahit, ce n’est pas seulement la faute des méchants américains. Non. C’est aussi la faute des français, public d’abrutis et des auteurs, de produire un cinéma qui endort au son des Bonne Nuit les Petits. Depuis 900 qu’on s’assoupit dans le confort du réveil Capétien. Un bon lit et un bon film pourri. Et si on regarde un Fantôme des Canterville, le résultat n’est pas le même. On s’ennuie et on déprime alors que devant Jeannette, on s’ennuie, on déprime et on s’énerve.
Au règne de Macron 1er dit l’endormi, notre conscience s’endort aux premières minutes d’Adèle. Et pour palier ce manque d’intérêt, on embauche des acteurs capables d’éjaculer, de jouir, parfois les deux, de procréer, de copuler dans tous les sens du terme. Bref, du service pour les fans, du fap pour le service. Bravo, le cinéma français. On est revenu au Curé chez les Thaïlandaises en un tour de bras et un bon coup de pelvis. La libéralisation des mœurs, mon vieux. Si tu clames que c’est nul, que ça ne se fait pas, tu as une édition 2020 du jeu de société « Droitard, malgré toi ». Va donc, te cultiver les yeux mon petit pervers et va te reluire autre chose par la même occasion.


Dans la catégorie, « je manque d’imagination alors je vais pêcher sur la forme plus que sur le fond », Jeannette se classe très haut. Alors comme dans tout films d’auteurs, il faut des couilles. Proposer une forme originale avec des outils originaux. Pourquoi pas une comédie musicale assortie de Métal et de poèmes du siècle dernier ? Jamais fait, pas vu, pas pris. Je n’ai jamais vu un mexicain manger son caca pendant deux heures et se plaindre de douleur au ventre après le repas terminé, tout cela accompagné du son d’une mandoline et d’une vuvuzela. C’est une idée jamais produite et je la propose à Dumont. Certes, c’est peut-être trop audacieux.
Alors, n’étant pas un grand auditeur de métal, tout comme Bruno Dumont, je n’ai pas remarqué la différence entre les morceaux. Prendre le bas de la gamme musicale française n’aide pas cela dit. Idem pour l’apparition quasi systématique des morceaux mal agencés. Quand on coordonne une partition, il se produit le même travail avec un film. Comment composer une musique avec l’image afin de raconter une histoire ?
Bruno dit non. Ce qu’il veut, c’est remplir son film. Ramenez alors beaucoup de plans lents, plusieurs Mississippi entre chaque phrase et quelques transitions longuettes. La recette pour ne rien raconter. Vous aurez le droit à de la musique tout le temps, afin de souligner quoi ? Je ne sais pas. L’histoire piétine, alors on chante. D’où cette impression qu’après une dizaine de minutes, on entend plus les personnages. Notre cerveau doit avoir un système anti-conneries, activables durant les vidéos de MJ, les cours d’intersectionnalité, et durant les repas de noël prolétaire. Un flot de paroles, un débit presque catapulté et vous ne savez pas de quoi on parle. Au début, j’ai cru que les dialogues étaient de Bruno. Chapeau Dumont ! Mais quand la source du texte est apparue, je me suis tapé la tête pour avoir cru qu’un texte en bon français puisse être écrit par l’auteur de Ma Loute. Le Léonard de notre cerveau a décidé d’emprunter la porte de sortie avant d’éteindre les lumières à tous les étages. Depuis, j’attends qu’il revienne mais il a dû être au courant de mon idée de regarder Noob…
Enfin, je veux dire Jeanne. On oublie parfois que c’est un film d’auteur et on s’attend à tout moment entendre les protagonistes faire du « Oh Omega Zell ! Tu es le plus fort des niveaux 100 ! » « Allons, chasser le pikouaïe ! » « Jojo le mytho ? C’est la pire insulte qu’on m’ait jamais faite ! »


L’histoire continue et se répand en incompréhensions, dieu lui murmure des mots à l’oreille, puis c’est au tour des saints de se ramener durant le onzième festival de Breakdance de la région. Après, Jeanne veut partir, mais pas maintenant, mais après le dîner car je n’ai pas mangé. Puis, d’abord, faut couper le chêne et les bourguignons détruisent nos villages et les sœurs, faut que je leur demande leurs avis. Et là, le spectateur, il attend. Il attend de s’endormir. Et le sommeil vient, et là, un rêve mieux réalisé et mieux scénarisé que le film prend la relève.
Et par moments, le film essaie d’être drôle alors que Coluche est mort depuis longtemps. Le burlesque d’une chute, la danse d’un jeune qui sort de sa masure, l’arrivée sous la forme d’une exorcisée. Tout ça, mais quel ennui. J’ai dû lire du Bradbury à côté pour faire passer le temps…
Et puis, tonton Dumont a tout compris. A force d’élargir la durée de mon sommeil, il envisage d’exporter la suite du somnifère à une date ultérieure. La suite de l’histoire continue dans un autre film. Quelle fainéantise. Il a l’outrecuidance de m’imposer une nouvelle taxe sur la connerie mais cette fois-ci, avec un soupçon de féminisme ambiant. En même temps, je ne lui en veux pas. Il a le flair au moins pour ça.
Regarder ce film aura été une bêtise. Et comme dirait Omega Zell :
« Une petite bêtise ??! »
La France continuera à produire ses déjections sans nom que je serai mort et enterré. Mes enfants, les verront et sauront qu’ils n’ont pas vécu deux terribles décennies.


« Et pour ce qui est de 2030 ? Il y a quoi à voir papa ? »
« Rien ma petite Jeanne, enfin… Est-ce que ça te dirait de voir « Aigreurs de Mexicains doux » ? »

Diegressif
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le 5 oct. 2020

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