Jersey Boys donne l'impression de progresser par cases. Comme c'est souvent le cas dans le biopic musical, les cases s'ordonnent selon une opposition classique entre vie privée et vie publique: d'un côté, la vie du groupe, l'enregistrement du premier tube (comme dans Walk the Line), le premier passage à la télé, la love story du chanteur avec une journaliste (comme dans Control), les premières déchirures et la séparation. De l'autre, la vie familiale de Frankie Valli qui se délite peu à peu, les disputes avec sa femme, le décès d'une de ses filles: aucune de ces cases n'est évitée et si on a pour finir l'impression que le tableau est complet, celui-ci paraît étrangement morne, presque désincarné, comme si Eastwood n'avait rien investi dans son scénario issu d'une comédie musicale. Ou rien d'autre, peut-être, que la nostalgie de sa jeunesse: il avait une trentaine d'années à l'époque où Sherry cartonnait à la radio, il jouait alors dans la série Rawhide.

Cette nostalgie affleure dans la dernière séquence, à travers un très beau flash-back qui est le seul moment vraiment surprenant du film. On pense alors à Peggy Sue de Coppola: même décor de gala, mêmes personnages foudroyés par la conscience de leur vie passée, même miracle d'un temps retrouvé et revécu ici sans mélancolie, ce que résume une des dernières répliques: "It was all great". Cette scène très étonnante explique la relative impression d'étrangeté que laisse finalement Jersey Boys, où Eastwood passe sagement par toutes les cases du biopic pour les enjamber dans un ultime mouvement d'une très grande beauté, donnant alors la sensation de flotter quelque part dans le temps, entre ses débuts lointains (on voit à la télé des images de Rawhide) et une fin où tout recommence encore.
chester_d
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le 22 juin 2014

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